1. Accueil
  2.  » 
  3. Genève
  4.  » 
  5. Actualité genevoise
  6.  » 
  7. Evénements
  8.  » Mexique et droits humains

Mexique et droits humains

par | 27 mai 2009 | Evénements

Certains passages notamment des précisions ou des témoignages ont été inclus dans ce texte bien qu’ils aient été omis dans la présentation orale pour en limiter la durée. En outre il m’est apparu nécessaire d’ajouter plusieurs notes groupées au bas du texte ainsi qu’un addenda donnant quelques informations postérieures à la conférence. (BR)

Le conférencier, Bernard Riguet, a d’abord tenu a rappelé que la Commission Civile Internationale d’Observation des Droits Humains (CCIODH) comprend les Droits Humains au sens le plus large tant individuels que collectifs.

Avec les principales étapes historiques du Mexique des grandes civilisations précolombiennes  à la conquête espagnole du XVIe siècle  et à l’indépendance acquise en 1821, la première partie a mis en évidence la résistance ancienne des peuples indigènes  et leur attachement à la terre. Malgré une réforme agraire, une relance de  la distribution de terres, la nationalisation du pétrole par le président Lázaro Cárdenas aucun des 20 présidents successifs depuis la fin de la révolution n’a mis en œuvre une politique réellement démocratique ni doté le pays des moyens d’une véritable indépendance économique, industrielle, minière ni même agricole. Malgré l’apparition d’une forte société civile et l’émergence à partir des années 1980  d’une multitude d’organisations populaires,les ajustements juridiques et structurels destinés à faciliter l’entrée du Mexique dans le l’ALENA, le 1 janvier 1994, a entraîné des divisions au sein des communautés, une paupérisation et un plus grand déséquilibre économique avec une désertification progressive des campagnes.

Mention a été faite de la situation du Chiapas, l’un des états du pays les plus riches en ressources naturelles et dont la population est l’une des plus pauvres. L’apparition de l’EZLN le 1er janvier 1994 a permis au monde de connaître la situation réelle des populations indigènes et a soulevé un grand espoir dans l’ensemble du Mexique. Depuis cette date, cette armée pacifique s’est consacrée au développement autonome  et  démocratique des communautés créant notamment des écoles, des dispensaires et des hôpitaux.

La CCIODH totalement indépendante de toute appartenance s’est organisée en 1998 à la suite d’un massacre de population par des paramilitaires. Cinq autres missions ont eu lieu notamment dans l’état d’Oaxaca et de Mexico à Atenco théâtre d’une répression policière sauvage. Ses rapports ont été présentés à la Commission des Droits Humains de l’Onu à Genève, au Parlement Européen et à différents Parlements nationaux ainsi qu’aux autorités politiques mexicaines et à la société civile.

La CCIODH a constaté que le gouvernement mexicain répond aux revendications par une militarisation accrue et une répression féroce  des mouvements sociaux. Les communautés indigènes quant à elles  s’organisent à un niveau que leur résistance n’a peut-être jamais atteint auparavant, parce que l’unification des revendications est en train de se construire et que se créent des convergences autour de la  revendication des mêmes droits, individuels et collectifs, qui concernent l’ensemble d’une population touchée par les conséquences de la politique économique et sociale des dirigeants et des entreprises multinationales.

Introduction

La Commission Civile Internationale d’Observation des Droits Humains (CCIODH) s’est constituée début 1998 à Barcelone. Il ne s’agit ni d’un organisme permanent ni d’une ONG. Les personnes qui l’intègrent partagent le souci du Respect des Droits Humains Individuels et Collectifs comme conquête majeure de l’humanité et défendent la promotion de ces droits en tant qu’exigence universelle.

Le nombre de participants de chaque mission varie de 30 à une centaine. 8 à 10 personnes ont participé aux 6 visites (missions)

La CCIODH totalement indépendante de courants politiques ou religieux est Internationale. Chaque visite est composée d’Espagnols majoritairement Catalans, d’Allemands, Italiens, Suisses, Français, Autrichiens, Danois, Suédois, Canadiens et Etasuniens. Elle ne sollicite et ne reçoit aucune aide financière. Chaque observateur assume lui-même le coût du voyage ainsi que tous les frais et dépenses au Mexique et participe aux frais de fonctionnement. L’édition des rapports sous la forme de livre d’environ 500 pages parfois accompagné d’un CD est pour l’essentiel pris en charge par des associations ou des Universités Mexicaines.Outre son caractère international, les femmes et les hommes qui la composent sont divers: Universitaires, Avocats, Médecins, Psychologues, Psychiatres, Enseignants, Etudiants, Journalistes, Cinéastes, Photographes, Travailleurs Sociaux, Ouvriers, Employés, Syndicalistes…

Qu’entendons-nous par Respect des Droits Humains ?

Il s’agit des Droits au sens large, droits individuels et collectifs. Droità la vie, à la santé, à l’instruction, au logement, droit au travail, à la liberté religieuse, droits culturels, liberté d’expression, liberté etégalité sexuelle, droit à s’organiser en associations, syndicats, partis politiques, droits de réunions et de manifestations, droits de votes démocratiques, droits de se déplacer librement à l’intérieur des frontières de son pays, d’en sortir et d’y revenir.

La 169e Convention de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) adoptée en juin 1989, par la 76e conférence concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants fait partie intégrante de notre définition des Droits Humains. (note 1). Le gouvernement mexicain a été un des premiers à ratifier la convention. Il ne l’a jamais respectée et continue de refuser ces droits aux peuples indigènes, en même temps qu’il bafoue ceux de la grande majorité de la population mexicaine.


LE MEXIQUE

I – GENERALITES

Connaître le Mexique et son histoire hors des clichés aidera à en comprendre la complexité. Une étude même imparfaite permettra aussi de se rendre compte que la violation récurrente des droits humains dont les causes réelles sont profondes n’est pas une situation nouvelle. Sans prétendre à une analyse exhaustive cette conférence brossera quelques aspects essentiels de l’histoire du Mexique.

République fédérale dont le président est le chef du gouvernement sa dénomination officielle est Etats Unis du Mexique. Composé de 31 Etats, plus le District Fédéral, c’est le troisième pays d’Amérique du Nord avec Le Canada et les Etats-Unis. Contrairementà une idée assez répandue ce n’est pas un pays d’Amérique Centrale et encore moins d’Amérique du Sud.

Il est vrai qu’à partir de l’isthme de Tehuantepec entre le Golfe du Mexique côté Atlantique et le Golfe de Tehuantepec côté Pacifique, le Mexique se rattache davantage géographiquement et sociologiquement à l’Amérique Centrale.

Il n’en reste pas moins économiquement et politiquement un pays d’Amérique du Nord. A ce titre il est signataire de L’ALENA (Accord de Libre Echange Nord-Américain) (NAFTA en anglais, North American Free Trade Agreement) TLC ou TLCAN, en espagnol, (Tratado de Libre Comercio de América del Norte) qui est un traité entré en vigueur le 1er janvier 1994. créant une zone de libre-échange entre les trois pays d’Amérique du Nord

II – GEOGRAPHIE – POPULATION – RESSOURCES

Le Mexique est un grand pays peuplé de 110 millions d’habitants sur près 2 millions de km2, soit plus de 3,5 fois la France (543965 km2) et près de 50 fois la Suisse (41285 km2). Avec 300 millions d’habitants, les E.U. ont moins de 10 millions de km2 et le Canada 10 millions de km2 soit 5 fois plus que le Mexique pour 32 millions d’habitants.

Selon les critères retenus, la population se compose de 15 à 30 %d’indigènes (ou Indiens) et 60 % de métis.

Avant l’invasion espagnole, le Mexique actuel comptait près de 20 millions d’habitants, chiffre tombé à 1 million en 1600 après l’invasion espagnole. Il en avait 16 millions en 1930 et avait doublé à 30 millions en 1960 pour dépasser 80 millions en 1990.

Le Mexique se caractérise par une très grande variété de paysages et de climats, un potentiel économique important, tant sur le plan agricole que pour ses ressources en sous-sol. Il est le 5e producteur mondial de pétrole avec plus de 3 millions de barils/jour, en baisse depuis 2008. C’est aussi l’un des berceaux d’un grand nombre de plantes de premier ordre dans l’histoire de l’alimentation humaine, à commencer par le maïs, les haricots, les courges, les tomates et les pommes de terre, sans oublier les piments (chile) le cacao, les pois chiches.

III- HISTOIRE

Le Mexique qui comporte 86 langues et peuples indigènes, dont les racines remontent toutes au Mexique préhispanique, a été le siège de grandes civilisations précolombiennes: les Olmèques les Teotihuacanes les Toltèques les Aztèques, les Mazahuas, les Chichimèques les Mayas, les Zapotèques les Mixtèques les Purepechas les Zacatèques et les Anasasi entre autres (note3)Elles n’avaient rien à envier aux plus grandes et brillantes civilisations du monde dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme, dans celui des connaissances astronomiques et des mathématiques, de la médecine et des plantes.

La «conquête» espagnole, commencée au début du XVIe siècle, a étébrutale et destructrice. Les historiens ont du mal à chiffrer, et à qualifier la tragédie qui va frapper les populations indigènes de cette partie du monde au cours du XVIe siècle.On ne peut pas parler de génocide conscient et organisé, encore que cela se soit produit à coup sûr dans maints endroits, mais les massacres, l’exploitation effrénée d’une main d’œuvre mise enesclavage, et les épidémies vont aboutir en quelques décennies àl’élimination de plus de 90 % de la population.

L’indépendance du Mexique est acquise en 1821, après une lutte de10 ans, à laquelle de nombreux indigènes ont participé activement.

Cette indépendance sera suivie en 1846 de l’invasion de la jeune république par les Etats Unis d’Amérique, qui vont la dépouiller de la moitié de son territoire: Texas, Californie, Arizona, Nouveau- Mexique, une partie de l’Utah et du Colorado.

La surexploitation du travail des indigènes, dont les communautés sont assujetties à un impôt collectif, va permettre d’enrichir les descendants des colons, aussi bien créoles qu’espagnols.

La résistance et les révoltes indigènes ne vont jamais cesser. En 1521, la «conquête» n’est pas terminée avec la chute de la capitale aztèque Tenochtitlan (note 2) Au sud, les Mayas n’ont été soumis qu’en 1697 et ils se sont ànouveau soulevés au dix-neuvième siècle avec la guerre des castes qui a duré presque 70 ans, de 1840 à 1904,Au XXe siècle au Chiapas en 1911 les guérillas dans les Hautes Terresont repris et à nouveau dans les années 1950 dans le nord de l’état, en 1972 dans les cañadas, (les vallées de la forêt lacandone) et enfin la rébellion zapatiste apparue en 1994.

Cinq fois centenaire la résistance des peuples indigènes, est loin des clichés racistes d’une population soumise, passive, apathique. Elle coupe court aux affirmations également racistes sur la prétendue manipulation des tzotzils et des tzeltals du Chiapas par une poignée d’intellectuels blancs ou métis venus de la ville, et qui pousserait «les Indiens» à la révolte pour assouvir leur propre soif de pouvoir.

Dans l’ensemble des régions indigènes du Mexique, la situation a été pratiquement la même: l’Oaxaca, le Guerrero surtout, ont connu des résistances armées qui se prolongent encore de nos jours. Dans le nord du pays, les Yaquis de l’état de Sonora ont résisté les armes à la main pendant plus de 80 ans, de 1825 à 1908 avant d’être acculés à l’exil. Les Huicholes (Nayarit et Jalisco) et les Tarahumaras, les Huastèques dans les états de Veracruz et d’Hidalgo, les Purépechas, dans leMichoacan, sont eux aussi engagés dans une résistance acharnée face aux manœuvres entreprises pour terminer de les dépouiller des terres qui leur restent, et les envoyer définitivement dans les bidonvilles ou vers les Etats Unis d’Amérique, sur les chemins de l’émigration hérissés de barbelés et depuis l’ère Bush, d’un mur en construction de 1200 kilomètres, une résistance que le gouvernement tente d’étouffer en occupant militairement les régions indigènes, et eny perpétrant les pires abus.

On se doit de souligner le problème des langues, partie intégrante des revendications actuelles.Durant la colonisation espagnole, les peuples indigènes ont conservétoute une série d’institutions et de langues malgré l’intense travail des différents ordres religieux catholiques qui ont converti à tout vacréant de fait un syncrétisme qui subsiste largement aujourd’hui.Puis vint l’Indépendance. La constitution de 1824 ne fait pas mention d’Indigènes et de fait, les droits des diverses communautés ont commencé à s’envoler sous le prétexte d’égalité, «ni indiens, ni noirs, ni castes». Sous le régime du dictateur Porfiro Diaz un mot d’ordre a été «Supprimons à ces Indiens leurs dialectes primitifspour qu’ils soient enfin comme nous dignes de s’appeler Mexicains.» Dans les tribunes, il ne pouvait être fait mention d’appartenance à une communauté, le mot d’ordre étant «todos iguales». Outre une tentative de déculturation, cela a permis la confiscation des terres indigènes facilitée notamment par la constitution de 1857 au profit des grands latifundistes, les «Indiens» devenant des journaliers attachés à la terre.

La révolution mexicaine de 1910 a eu pour caractère essentiel la revendication de la terre et on se souvient du mot d’ordre “ Tierra y Libertad ”, et la volonté de plusieurs dirigeants de refuser un pouvoir central autoritaire.

De nombreux indigènes dont Emiliano Zapata fils d’un petit propriétaire terrien se sont engagés dans cette révolution armée, beaucoup y ont laissé leur vie. La Constitution de 1917 dans son article 27 a restitué les propriétés communales.

Cette révolution va toutefois être un échec, ses objectifs et ses idéaux seront confisqués, par ceux qui veulent mettre fin aux revendications sur la terre par les paysans.

La confiscation va se matérialiser par l’instauration du pouvoir d’un parti unique. Au début des années 30 le pouvoir a été aux mains du Parti National Révolutionnaire, qui est devenu en 1938 Parti de la Révolution Mexicaine pour prendre en 1946 l’invraisemblable dénomination de PARTI REVOLUTIONNAIRE INSTITUTIONNEL – PRI.

Le PRI règnera sans partage jusqu’en 2000, date de l’élection de Vicente Fox du Parti d’Action Nationale PAN. Parti également de droite très lié à l’église catholique. Les mandats n’étant pas renouvelables au Mexique la coutume voulait que le président sortant désigne son successeur (ce qu’on appelait «el dedo» le doigt) lesélections n’étant qu’une formalité puisque le PRI contrôlait les organismes chargés du déroulement des élections son dépouillement, et pratiquement l’ensemble des médias.

A la fin des années 80 quelques dirigeants d’une aile démocratique ont quitté le PRI ou furent expulsés pour former ensuite le PRD avec notamment Cuauhtemoc Cardenas (fils d’un ancien président de la république) et Porfiro Muñoz Ledo, un ancien président du PRI.Sous la dénomination de Front Démocratique, Cardenas s’est présenté aux élections présidentielles en 1988 contre Carlos Salinas de Gortari désigné par le Président de la République Miguel de LaMadrid, du PRI. Alors que Cardenas était sur le point d’être déclaré vainqueur contre le candidat du PRI, ce qui était évidemment une première, une mystérieuse panne d’électricité et d’ordinateurs n’a pas permis de connaître les résultats sortis des urnes et quelques jours plus tard Carlos Salinas de Gortari fut proclamé Président de la République. Personne aujourd’hui conteste la réalité de cette énormefraude électorale

Depuis la fin de la révolution en 1917, aucun des 20 présidents successifs mettra en œuvre une politique réellement démocratique, pas même le général Lázaro Cárdenas (1934/1940), le président le plus populaire, qui va nationaliser le pétrole, faire une réforme et tenter de relancer la distribution de terres. Ils ne vont pas non plus doter le pays des moyens d’une véritable indépendanceéconomique, industrielle, minière ou même agricole, à l’égard du puissant voisin du nord.

Le pays va tout de même connaître une certaine prospérité, notamment dans les années 30, et au cours de la deuxième guerre mondiale grâce notamment aux dividendes du pétrole et aux exportations agricoles vers les Etats Unis.Mais la corruption qui gangrène le système empêche l’assainissement des finances et contribue largement à entraîner toutle pays sur la voie de l’endettement et dans une crise sans fin (note 4). Cette crise va se traduire par des revendications sociales et des manifestations et finalement par le massacre de Tlatelolco Place des Trois Cultures dans la ville de Mexico le 2 Octobre 1968, l’armée et l’aviation tirant sur les manifestations d’étudiants. Il y eut des centaines de morts et plus de mille arrestations. Le gouvernement duprésident Diaz Ordaz fera croire à la légitime défense des militaires. Gustavo Diaz Ordaz dont le mandat a expiré en 1970 est devenu en1977 le premier ambassadeur du Mexique en Espagne après le rétablissement des relations diplomatiques interrompues pendant 40 ans. Il est décédé en 1979 sans avoir été inquiété pour sa responsabilité dans ce massacre Son ministre de l’intérieur LuisEcheverria Alvarez lui succédera à la présidence de la république. Plusieurs tentatives de le faire passer en jugement ont échoué (note 5)

Puis il y eut… LA GUERRE SALE. Dans les années 70 et 80, sous les différents gouvernements mexicains de Gustavo Díaz Ordaz Luis Echeverría Alvarez, JoséLópez Portillo, la pratique d’enlèvements d’opposants est devenue courante. On déplore des disparitions par centaines. La torture s’est banalisée de même que les assassinats d’opposants, dont certains s’étaient radicalisés créant des foyers de guérilla, à la suite notamment du massacre de Tlatelolco

Quand on parle de centaines de personnes enlevées et assassinées par les officines de la police et de l’armée, on se réfère généralementà des personnes habitant les villes, dont les familles et les amis ont rendu l’affaire publique. Or on sait qu’en même temps, la répression s’est abattue avec une plus grande brutalité dans les campagnes, et tout particulièrement contre les communautés indigènes.

Depuis quelques années, de nombreuses personnes et Associations dont l’infatigable sénatrice Rosario Ibarra de Piedra dont un fils a disparu, se sont lancées dans l’examen minutieux et le dépouillement des archives nationales. Il est fait état de 40 millions de fiches, concernant plus de 3 millions de personnes,

IV – LE MEXIQUE AUJOURD’HUI

Deux phénomènes opposés vont caractériser les années 80.

Le premier concerne les ajustements juridiques et structurels destinés à faciliter l’entrée du Mexique dans l’Alena prévue pour le 1er janvier 1994, privatisations, modifications dans la constitution, par exemple l’article 27 sur le caractère inaliénable de l’ejido (note 6). L’un des maigres acquis de la révolution mexicaine avait précisémentété la reconnaissance de la légalité de l’ejido une terre commune inaliénable appartenant à chacune des communautés paysannes. Orcette disposition va tout à fait à l’encontre des principes du libre marché que l’Alena veut étendre à l’ensemble des activités humaines. L’article 27 de la Constitution a donc été abrogé en 1992 par le président Carlos Salinas de Gortari.Cette suppression a entraîné des divisions au sein des communautés, quelques uns acceptant de vendre, certains achetant et s’endettantavec toutes les conséquences, alors que d’autres s’opposaient catégoriquement au démantèlement de cette forme de propriété collective de la terre. L’inquiétude, jointe à la détérioration des cours des produits agricoles, s’est amplifiée.

Le second de ces phénomènes concerne l’apparition d’une forte société civile créant une multitude d’organisations.On commence à les voir palier la carence de l’Etat en 1985 à la suite du tremblement de terre de Mexico,Elles organisent des secours, la solidarité envers les sinistrés et même la reconstruction. Cette date marque nettement une prise de conscience de la société civile mexicaine.Cette société civile a été capable, à ce moment, d’engendrer unemultitude d’associations de défense et de revendications contre l’arbitraire et pour les libertés comme sur bien d’autres sujetsOn pourrait citer des dizaines d’organisations au niveau national comme dans chacun des 32 états du pays (le DF étant ici considéré comme un état): associations laïques ou religieuses, indigènes, métisses ou mixtes, spécialisées dans un domaine (droits indigènes, droits des femmes, droits des justiciables etc.)

L’attitude du PRI face à ce mouvement est classique; tentative de noyautage et de récupération par la corruption de ses dirigeants et répression quand la corruption s’avère impossible. Il s’agit pour lui de maintenir son contrôle sur la population.

Aujourd’hui quand on évoque le Mexique, une foule d’images et de clichés viennent d’abord à l’esprit, mais on ne parle pas d’un pouvoir arbitraire, corrompu et brutal, qui n’hésite pas arrêter et à assassiner les défenseurs des Droits Humains, un pouvoir qui méprise et persécute les populations indigènes.

On a au contraire l’image du Mexique comme d’un pays progressiste. Cette image remonte à la fin des années 30, quand le président Lázaro Cárdenas a ouvert toutes grandes les portes de son pays aux réfugiés républicains espagnols, quand il a lancé une réforme agraire et nationalisé le pétrole inscrivant cette nationalisation dans la constitution.Au fil des années, cette image s’est renforcée, entretenue notamment par les déclarations apparemment sans concession face à la politique extérieure des Etats Unis et par des déclarations en faveur du non alignement…En outre les gouvernements successifs ont longtemps exprimé un soutien sans faille à Cuba depuis 1959 une solidarité face à l’embargo américain et aux différentes tentatives politiques et militaires de déstabilisation de la grande Ile des Caraïbes. Le président Salinas De Gortari a longtemps entretenu les meilleures relations avec Fidel Castro.

En retour, les dirigeants mexicains vont bénéficier de la bienveillance d’une grande partie de l’opinion et de la presse européenne de différents courants, de droite comme de gauche dans la plupart des pays. Ces amitiés avec les correspondants de grands journaux, même les plus prestigieux et avec de nombreux universitaires, vont être cultivées très habilement. Le Parti Révolutionnaire Institutionnel est passé maître dans l’art de s’acheter cette sympathie, par les moyens les plus directs comme par les plus insidieux. Parallèlement il a su avoir une diplomatie active dans les forums et les instances internationales y compris à la Commission des Droits Humains de l’ONU.

Un événement va toutefois contribuer à lever un voile au niveau international sur la réalité du régime et sur la situation des Indigènes et des Droits Humains.C’est la rébellion zapatiste qui est apparue le 1er janvier 1994, jour de l’entrée en vigueur de l’Alena. En réponse, le gouvernement n’a pashésité à mobiliser ses militaires et effectuer des bombardements. Dans un premier temps, la rébellion organisée en armée de libération nationale (Ezln) annonça vouloir prendre le pouvoir à Mexico. 12 jours après ce déclenchement, le gouvernement mexicain déclare unilatéralement un cessez le feu et les insurgés se retirent dans les montagnes du Chiapas.

L’apparition de ces indigènes va-nu-pieds a créé une énorme surprise, probablement aussi parce que «cette armée» de paysans s’est très vite déclarée pacifique, affirme ne pas rechercher le pouvoir se consacrant à organiser le développement des communautés de façon autonome créant écoles et dispensaires. L’année 1995 a été marquée par un dialogue entre les représentantsdu gouvernement Zedillo, des députés et sénateurs de tous les partis regroupés dans une Commission de Concorde et de Pacification (COCOPA) et l’Ezln, chaque camp, disposant de nombreux assesseurs extérieurs. Ces discussions se sont conclues par la signature des «Accords de San Andres» le 16 février 1996.Ces accords se proposaient, à travers un pacte social, de créer unenouvelle relation entre l’état mexicain et les peuples indigènes. Une des trois conclusions de base du document stipule: « le gouvernement s’engage à mettre sur pied, avec les différents secteurs de la société et dans le contexte d’un nouveau fédéralisme, un nouveau pacte social qui modifie à la base les relations sociales, politiques, économiques et culturelles avec les peuples indigènes. Le pacte se devra d’éradiquer, dans la vie publique et au quotidien, tout ce qui pourrait conduire à une quelconque subordination, inégalité ou discrimination, et devra concrétiser les droits et les garanties inhérents, c’est à dire: droit à leur différence culturelle, droit à l’habitat, droit d’occupation et d’utilisation du sol conformément à l’article 169 de l’OIT, droit à l’autogestion politique communautaire, droit au développement de leur culture, droit aux systèmes traditionnels de production, droit à la gestion et à l’exécution de leurs propres projets de développement. La mise en œuvre de ces accords signés par les représentants dûment mandatés du pouvoir impliquait une réforme constitutionnelle que le président de l’époque Ernesto Zedillo pas plus que ses successeurs n’a fait adopter par les assemblées parlementaires.

Force est de constater qu’il n’y a pas une volonté de la part de la classe politique de rechercher une solution négociée.De son côté, l’Ezln s’est montrée dans le même temps capable de faire passer dans le monde un nombre considérable d’informations, notamment à travers les réseaux d’Internet suscitant une grandesympathie et une solidarité active.

Des voix de plus en plus nombreuses se sont fait entendre pour dénoncer les atteintes multiples aux droits humains.

V – SITUATION ECONOMIQUE ET SOCIALE ACTUELLE

Tous les chiffres concordent pour montrer que les conséquences de l’entrée en vigueur de l’Alena sont très lourdes pour les secteurs les plus démunis, qui représentent une majorité de la population.

Selon les sources gouvernementales mexicaines, le pays compte en octobre 2008, 44 700 000 personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté et 14 millions en état de pauvreté extrême souffrant de carences alimentaires très graves.

Une fois encore, et même si elles ne sont pas les seules, loin de là, les populations indigènes sont les plus frappées par les conséquences de cette politique: 73% des enfants indigènes présentent des taux de dénutritionUne autre conséquence de cette politique est l’accroissement de la dépendance alimentaire du pays. Le Mexique doit avoir recours à des importations massives de maïs. Les cours se sont effondrés car les Etats Unis exportent leur maïs à bas prix subventionné. Toutefois la tortilla, base de l’alimentation, estde plus en plus chère.Des millions de paysans abandonnent leurs terres et on constate dans certains états une véritable désertification des campagnes (note 7).


 

Abordons maintenant le travail de la Commission Civile Internationale d’Observation des Droits Humains dans les Etats qu’elle a particulièrement étudiés.

LE CHIAPAS

Cet état est situé au Sud-Est du Mexique. Bordé au sud par Belize et le Guatemala, à l’ouest par l’océan Pacifique, au Nord-Ouest par l’Etat d’Oaxaca à l’Est par l’Etat de TabascoIl fait 75 634 km2 (près du double de la Suisse) 4 500 000 habitants dont plus de 1 Million d’Indigènes composés pour près de 40 % de Tzeltal, plus de 33 % de Tzotzil, 17 % de Chol, 4,6 % de Zoque, 4.5 % de Tojobal plus 7 ou 8 autres groupes.

Une particularité du Chiapas réside dans le fait que la réforme agraire définie après la Révolution n’a pas pu être mise en place en raison de la puissance de grands propriétaires terriens dont la plupart ont pu conserver leur terre protégée par une milice privée appelée «guardias blancas» Cette situation a progressivement évolué et les guardias blancas sont remplacés par les paramilitaires dont les actions ne se limitent pas à la défense des propriétaires mais intimident les populations contestataires se livrant à des opérations armées qui se concluent souvent par des enlèvements et des assassinats.

La terre est devenue l’un des principaux facteurs de conflits sociaux qui se sont aggravés d’années en années. La recherche de terres à cultiver, notamment à partir des années 1950, est à l’origine d’un processus de migration vers la Selva Lacandona ou forêt Lacandone. Cette migration n’est pas exempte de conflits violents le gouvernement ayant décidé dans les années 1970 d’octroyer plus de600.000 hectares de cette forêt à un nombre réduit de familles de la petite ethnie lacandona, négligeant totalement les besoins de la population de la région en grande croissance. En 1992, la suppression de l’article 27 constitutionnel qui a permis l’achat et la vente des terres communales a généré une forte mobilisation sociale au Chiapas comme dans tout le pays. La terre fut l’une des principales revendications lors du soulèvement armé du 1 janvier de 1994 jour d’entrée en application de l’Alena.

A partir de cette date, on assiste à la récupération de terres, principalement par les zapatistes et les bases de soutien zapatiste mais aussi par d’autres communautés.

De son côté, le gouvernement a mis en place un certain nombre de programmes successifs sans concertation avec les populations indigènes. Ces programmes sont à l’origine de conflits internes très violents. En effet, certains groupes selon leur soumission au parti en place qu’il soit PRI ou PRD bénéficient d’avantages, voire de subventions au détriment d’autres groupes des mêmes communautés qui vont jusqu’à être expulsées. La mobilisation paysanne est très forte. Des organisations comme l’OCEZ Organización Campesina Emiliano Zapata sont très actives Plusieurs commandants de l’Ezln, (responsables politiques et non militaires) en sont issues.Parallèlement différentes organisations comme l’OPDDIC (Organisation pour la Défense des Droits Indigènes et Paysans),jouent un rôle important de contr et de provocation dans les affrontements. En fait malgré son nom, il s’agit d’un groupe qui s’est substitué à l’organisation paramilitaire Priiste « Paz y Justicia ».

Dix ans après la signature de l’Alena, le salaire minimum national a perdu 20% de son pouvoir d’achat. Le salaire minimum actuel est d’environ 49.50 pesos par jour soit àpeu près 4 US$ ou 4,50 CHF au cours de change d’octobre 2008, (le cours du peso a baissé de façon drastique depuis cette date). Malgré ce salaire de misère, 9,9% seulement de la population indigène du Chiapas bénéficie de 1 à 2 salaires minimum mensuel, 42% (127 682) survit avec moins d’un salaire minimum mensuel. Les revenus de la population indigène, par personne, représentent seulement 32% des revenus, par personne, de la population non indigène. 304 018 indigènes ont un emploi au Chiapas. 42% (122 345) ne reçoit aucun revenu. La mortalité infantile est de 22 %.

La population est l’une des plus pauvres du Mexique, Des statistiques de 2007 indiquent que plus de 8% de la population du Chiapas travaillaient aux États-Unis. En 2006, le Chiapas a reçu 807,6 millions de dollars envoyés des Etats Unis d’Amérique par les immigrés (11e état à échelle nationale). En 2000, près des 2/3 des logements du Chiapas n’avaient ni électricité ni eau courante.

Le Chiapas serait-il donc un état pauvre dépourvu des ressources qui permettraient d’enrayer la misère dans laquelle vie une grande partie de sa population. Voyons donc ses ressources.

PETROLE

Le Chiapas est un important producteur de pétrole, et contient des réserves encore inexploitées.

En 2001, le Chiapas a produit 17,5 millions de barils de pétrole brut, soit 21% de la production nationale.118 puits de pétrole sont situés au nord de l’état. En 2002, l’entreprise nationale Pemex (Petroleos Mexicanos) avait prévu d’investir 63.000 millions de pesos pour les 5 années suivantesdans le sud-est du Mexique (dont 32% pour la perforation de puits etla production de pétrole).

Pemex développe ses opérations au Chiapas dans les municipalités de Palenque, Ocosingo, Benemérito de Las Américas et Marqués de Comillas, Pemex a également des projets dans les municipalités de Las Margaritas, Independencia, La Trinitaria et Maravilla Tenejapa, dans la région frontière. Toutefois en raison de la situation tendue dans ces régions Pemex ne reconnaît pas officiellement ses projets d’exploitation de pétrole dans la Forêt Lacandone

GAZ NATUREL

En 2001, le Chiapas a produit 222 964 millions de pieds cubiques, soit47% de la production nationale.

BIODIVERSITÉ

Avec 37 zones naturelles protégées, le Chiapas est l’état du Mexique qui en possède le plus. 20% du territoire est sous protection officielle.

La biodiversité du Chiapas se concentre dans les zones naturelles protégées. La Réserve de la Biosphère de Montes Azules est l’une des plus importantes. Le 13 mars 2007, dans les Hauts Plateaux du Chiapas, près de San Cristóbal, l’Ezln a déclaré une partie de la montagne de Huitepec «aire naturelle protégée et réserve écologique communautaire zapatiste». Elle se situe au même endroit que la Zone Naturelle Protégée Huitepec – Los Alcanfores créée ultérieurement par le gouvernement de l’état, sans consultation de la population qui pourrait d’ailleurs être expulsée.

Beaucoup d’entreprises transnationales et pharmaceutiques s’intéressent au Chiapas et à son “or vert”, en particulier du fait de la possibilité d’obtenir des brevets sur certaines plantes médicinales, d’où le développement d’une bio piraterie.

On reconnaît au Chiapas:

  • 19 types de végétation,
  • près de 8.500 espèces de plantes,
  • 180 espèces de mammifères,
  • 666 espèces d’oiseaux,
  • 227 espèces de reptiles,
  • 92 espèces d’amphibies.
  • Plus de 1.200 espèces de papillons.

Le Chiapas produit 35 % du café du Mexique.

EAU

Le Chiapas concentre 30 % de la superficie des cours d’eau du pays générant 54 % de l’énergie électrique du pays. On voit donc que le Chiapas est un état dont la grande richesse ne profite pas à sa population.

Les conflits surgissent fréquemment pour le droit à l’eau et à l’électricité. Périodiquement des communautés indigènes se refusent à payer les factures exorbitantes. L’électricité est de beaucoup plus chères dans les communautés indigènes qu’à Tuxtla Guttierez capitale de l’Etat. Les factures étant établies globalement par village, les habitants proches du gouvernement couperont eux-mêmes l’accès à l’eau et à l’électricité des réfractaires. Ce sera l’objet de violents affrontements laissant des morts et des blessés. De leurs côtés, les compagnies (appelées commissions) de l’état coupent fréquemment pour défaut de payement l’accès à l’eau et à l’électricité, y compris aux écoles et aux dispensaires.

Les forces de police n’interviennent pas pour faciliter les règlements des conflits internes, mais répriment sélectivement les belligérants, qui comme dans les cas d’occupations de terre seront arrêtés et emprisonnés. Beaucoup resteront plusieurs années en prison sans être jugés, quand ils le seront ce sera sur la base de délits de droit commun fabriqués, tels que vols, agressions armées, blessures volontaires, homicides.

Rares sont les femmes arrêtées qui ne sont pas l’objet d’agression sexuelle et de viol. Pratiquement toutes les personnes arrêtées sont torturées. La Cciodh a recueilli un nombre impressionnant de témoignages. A l’intérieur des prisons, ils sont encore l’objet de coups et d’humiliation et victimes de la corruption des fonctionnaires, du gardien au directeur. Ne pas payer ces fonctionnaires ne permettra pas d’avoir une paillasse pour dormir, on ne lui accordera pas de visites ou encore le prisonnier sera envoyé loin du lieu de résidence de sa famille. La plupart des personnes arrêtées disposant de très peu de moyens financiers, on peut facilement imaginer le sort qui leur est réservé.

ACTEAL

Les événements d’ACTEAL petite localité du Chiapas de la municipalité de Chenalho ont été à l’origine de la création de la Cciodh.

En raison des violences dans la région de Chenalho, et de rumeurs persistantes d’interventions de groupes paramilitaires, le 22 décembre 1997, 325 personnes se réunissaient dans un oratoire à Acteal pour une journée de prière et de jeune. Ils faisaient partie de la société civile «las Abejas» (les abeilles) en majeure partie déplacées de leur village d’origine. Vers 11 heures le matin, un groupe d’hommes armés de machettes, couteaux et armes à feu ont encerclé l’oratoire et ses alentours tirant sur les gens qui cherchaient à s’enfuir ou se cacher. Une partie est restée dans l’oratoire. Le résultat de l’opération fut de 45 indigènes tzotzils massacrés dont 19 femmes, 4 étaient enceintes, 18 enfants et 8 hommes plus 17 blessés en majorité des enfants. Ce massacre oeuvre du groupe paramilitaire «Mascara Roja a duré plus de 7 heures alors qu’à moins de 200 mètres se trouvait un barrage de police de l’Etat. Quelques auteursmatériels ont été arrêtés et condamnés ainsi que 5 fonctionnaires debas niveau. A la demande de la Commission Nationale des Droits Humains le gouvernement du Chiapas a entrepris des procédures administratives. Il a également proposé des compensations aux familles qui les ont refusées tant que le gouvernement n’admet pas sa responsabilité.

A la suite de ces faits, un groupe de Barcelone de solidarité envers le Chiapas a pris l’initiative de convoquer une Commission Civile Internationale d’Observation avec l’aval de plus de 500 personnalités dans le monde. La dernière visite de la Cciodh en 2008 a reçu l’aval de 3000 personnalités. La première visite a été effectuée du 16 au 28 février 1998. Le rapport a été présenté à la Commission des Droits Humains de l’Onu qui l’a évoqué lors de sa réunion du 20 août de la même année.

Une seconde visite a eu lieu du 15 au 25 novembre 1999 afin de vérifier l’évolution de la situation et la prise en compte des observations et recommandations de la Cciodh dont les conclusions avaient été remises aux autorités fédérales et de l’Etat du Chiapas.

Une troisième visite s’est déroulée du 16 février au 3 mars 2002 dont le rapport comportant les conclusions et recommandations a été présenté comme les deux précédents aux différentes autorités gouvernementales fédérales du Mexique et de l’Etat du Chiapas, à la Société Civile, à la Commission des Droits Humains de l’Onu, à divers parlements nationaux et au Parlement Européen en séance publique non plénière

Toutes les observations ont relevé l’impunité généralisée, les arrestations arbitraires, la généralisation de la torture, la criminalisation des mouvements sociaux, la présence de groupes paramilitaires, le harcèlement de la population par les militaires (note 6), conséquence d’une militarisation accrue.

Aujourd’hui au Chiapas la situation reste la même malgré les promesses du gouverneur de l’Etat. Notons toutefois que sous la pression des organisations de défense des Droits Humains dont particulièrement la Cciodh et les longues grèves de la faim de prisonniers, plusieurs dizaines ont été libérés dans le courant de l’année 2008 (et au début 2009). La plupart étaient incarcérés sans jugement depuis plusieurs années.

Quelques faits qui ne sont pas isolés permettront de mieux comprendre la situation ordinaire que vit la population du Chiapas.

Le 7 septembre 2008, les “ejidatarios” (note 6) bénéficiaires des terres communales ont occupé les ruines de Chincultik situées en face de leur communauté. Ils ont décidé que l’ejido administrerait désormais ce site archéologique maya, proche de la ville de Comitán et des Lacs de Montebello. En réaction, l’Institut National d’Anthropologie et d’Histoire (INAH), jusqu’alors responsable de l’administration du site, a présenté un recours judiciaire contre les responsables de l’occupation. Unprocessus de négociation avec les autorités ejidales a débuté dans le calme. Moins d’un jour avant la dernière réunion, les forces de police sont intervenues avec leur brutalité habituelle.

Le vendredi 3 octobre, une opération de police de l’état et conjointement de la police fédérale a été lancée dans la municipalité La Trinidad. Vers 11 heures du matin, une première intervention policière engage40 membres de la Police Préventive (PFP), sorte de police fédérale militaire, et de policiers de l’Etat. Entrant dans le village lançant des gaz lacrymogènes, ils pénètrent de force dans les maisons. Les villageois répondent en utilisant des pierres, des bâtons et desmachettes, ce fut le premier affrontement.Vers 5H30 l’après-midi, environ 300 membres de la Police Fédérale Préventive (PFP) et de la Police de l’Etat du Chiapas tentent à nouveau d’envahir la communauté et provoquent un nouvel affrontement.

Dans l’ejido Miguel Hidalgo, municipalité La Trinitaria le bilan fut de 6 morts, 17 blessés et 36 personnes arrêtées.

Selon le Rapport Préliminaire du Centre des Droits Humains Fray Bartolomé de Las Casas, un habitant d’un village voisin Agustín Alfaro Alfaro, sa femme et un de leurs enfants en bas âge se sont rendus à Miguel Hidalgo afin de porter secours aux blessés et les transporter dans sa camionnette à l’hôpital le plus procheEn cours de route Ils ont été interceptés à coups de feu provenant d’un véhicule de la Police Préventive. Les policiers ont fait sortir les occupants de la camionnette et ont froidement abattu Agustín Alfaro et trois autres personnes. La femme d’Alfaro, Eloisa Margarita Espinoza Morales et son fils, témoins des faits sont sortis indemnes.Deux autres personnes blessées par balles sont mortes durant leur transfert à l’hôpital dans la municipalité de Las Margaritas. Les 36 paysans arrêtés ont été libérés le 5 octobre en échange des armes enlevées aux policiers par les habitants de Miguel Hidalgo pendant l’affrontement.

Selon le Centre des Droits Humains Fray Bartolomé de Las Casas, des 17 prisonniers blessés dont six d’entre eux par balles, deuxétaient encore en état grave. Les autorités de leur côté parlent de 22 blessés: 16 policiers et 6 paysans.

Les autorités étatiques et fédérales ont décidé de fournir une aide économique aux familles dont un membre est mort et de les indemniser pour les frais funéraires.

Le gouvernement de l’Etat a reconnu 5 policiers responsables du massacre et s’est engagé à punir ceux qui seraient reconnus coupables d’excès dans leur fonction. S’il y a une suite comme s’y est engagé le gouverneur Sabines, ce serait nouveau.

Une autre opération conjointe de différents corps policiers a été engagée le même jour dans d’autres communautés qui occupaient pacifiquement l’accès au Parc National Protégé.

On voit donc bien que la question agraire représente la part la plus importante des conflits que l’on observe dans l’état du Chiapas.Une grande partie des affaires en cours tourne autour des différents procédés de régularisation et d’attribution de titres de propriété des terres, principalement celles récupérées en 1994, après le soulèvement zapatiste, aussi bien par les zapatistes que par d’autres.

Identifions quelques facteurs qui permettent une meilleure compréhension des conflits actuels.Dans les années 50 et 60, pour réduire la pression sociale et répondre aux revendications paysannes portant sur les terres, l’administration gouvernementale a imaginé une politique de colonisation de la Forêt Lacandone Cette colonisation a été suivie d’un lent processus, de«régularisation» de certains «ejidos». En 1992, la situation, a été aggravée par la réforme de l’article 27 de laConstitution. L’instrument fondamental de cette réforme structurelle est constitué par divers décisions gouvernementales qui prétendent déterminer avec exactitude la propriété de la terre et accélérer son processus decommercialisation. Le programme le plus emblématique est celui connu sous la désignation de PROCEDE pour la régularisation de droits de propriété relatifs aux «ejidos» et à la propriété de terrains urbains (annexes 7 et 8) Il a été utilisé comme première étape de la privatisation des parcelles de terre «ejidales» Il a évidemment exacerbé les conflits. D’autres programmes sont mis en place qui affecteront des milliers d’hectares de terres récupérées sans aucune négociation. Ils conduisent souvent à l’expulsion de plusieurs centaines de familles établies dans la zone depuis des décennies.

L’intervention de l’Europe s’intègre dans ces programmes.

Le PRODESIS (Proyecto de Desarrollo Social Integrado y Sostenible) Projet de Développement Social Intégré et Durable a été signé en décembre 2003 entre la Commission Européenne et le Gouvernement de l’Etat du ChiapasSelon ses promoteurs, l’objectif est de freiner la détérioration des ressources naturelles et de réduire la pauvreté par un processus de développement durable qui sauverait de la misère les communautés qui vivent dans ces zones.

Dans ce territoire qui couvre 60 à 70 % de la forêt Lacandone, ce projet couvre 1 260 000 hectares dont 330 000 font partie intégrante de la réserve de biosphère de Monte Azules et touche 155 000 habitants de 830 communautés. 15 millions d’euros doivent être financés par le Commission Européenne et 16 millions par l’Etat du Chiapas. L’emploi des fonds sera contrôlé par la Commission Européenne. Ce projet vise à un réaménagement territorial dans le cadre de la politique du gouvernement. Il s’agit en même temps de changer les modes de vie des paysans Chiapanèques les transformant en prestataires de services environnementaux ou touristiques. C’est ni plus ni moins une tentative de déculturation qui n’avait pas pu aboutir en cinq sièclesBien évidemment les organisations paysannes et l’Ezln sont hostilesà la réalisation de ce projet et s’opposent au déplacement de population. Durant les années 2007 et 2008 la mise en place de ceprojet européen a été à l’origine des affrontements les plus violents.

Atenco – IVe visite de la Cciodh

Il convient de s’arrêter davantage sur la 4e visite de la Cciodh non seulement parce qu’elle est plus récente et qu’elle s’est déroulée dans l’Etat de Mexico et non pas au Chiapas mais parce qu’elle est exemplaire des agissements et de la férocité des forces de l’ordre comme de l’absence totale de respect des Droits Humains dans ce pays. Cette mission d’observation est intervenue peu après lesévénements des 3 et 4 mai 2006. à San Salvador Atenco et Texcoco.

San Salvador Atenco et Texcoco sont deux petites communes de paysans de l’Etat de Mexico en train d’être phagocytées par la ville tentaculaire de Mexico. Le problème qui a déclenché le conflit, à savoir l’expulsion des huit fleuristes, a de nombreux antécédents: négociations, accords non respectés et manifestations sociales.

En novembre 2001, ces communautés avaient entamé une lutte, enracinée dans la défense de leurs terres dont le gouvernement voulait exproprier 4 550 hectares de bonne terre horticole moyennant une indemnisation de sept pesos, soit 0,43 cts d’euro le mètre carré, pour la construction d’un aéroport international comprenant complexe commercial et hôtelier. Ces paysans défendaient leur survie. Expulsés de leur terre, ils se trouveraient privés de toute ressource. Très vite il y eu de violents affrontements avec les forces de police. La machette, outil de travail traditionnel est devenue le symbole de leur lutte.

Une organisation s’est créé le FPDT (Front des Communes pour la Défense de la Terre) comprenant actuellement seize communautés de la ceinture urbaine de la ville de Mexico.A l’été 2002, lors d’une nouvelle confrontation avec la police unpaysan gravement blessé est arrêté. Il meurt deux jours après sans avoir reçu la moindre assistance médicale.

Le gouvernement a finalement été contraint de reconnaître le Fpdt comme interlocuteur de l’ensemble de la population. Il annoncera le 1 août 2002 l’annulation du projet d’aéroport renforçant de fait la représentativité du Fpdt. Les accords signés prévoient une commission de suivi des plans et projets de la région et comportent une clause relative à la sécurité. En mars 2003, dans le cadre de ce processus, la région a été visitée par le Rapporteur Spécial de L’ONU, Miloon Khotari qui a fait part de sa préoccupation quant à la situation à San Salvador Atenco. Dans une recommandation au Gouvernement Mexicain, à l’issue de samission, il précise: «Bien que le projet de construction ait été annulé. il est nécessaire d’être vigilant et d’étudier les enseignements dérivés de cette expérience pour que de nouvelles confrontations violentes ne se reproduisent pas. Il est important de garantir qu’il n’y aura pas de répercussions ni de mesures punitives.»

Le conflit des fleuristes d’Atenco s’inscrit dans ce contexte. En juillet 2005 Le maire de Texcoco, met en place un plan de rénovation urbaine ainsi qu’un programme de réhabilitation du centre historique impliquant l’expropriation des commerçants informels, dont les fleuristes.

En 2006, l’enchaînement d’événements qui ont conduit à la confrontation finale commence le 6 février avec l’arrestation du paysan Arturo Lopez Frutero au sujet de problèmes agraires. Le 8 février, le Fpdt intervient pour exiger sa libération. Les troupes d’assaut de la police sont de la partie. Le Fpdt retient alors le secrétaire général du gouvernement de la région de Texcoco, et un autre fonctionnaire, qui seront libérés 48 heures plus tard, suite à la promesse d’accélération du procès contre Lopez Frutero. C’est pour cette raison que les leaders du Fpdt seront par la suite, inculpés de prise d’otages et lourdement condamnés.

Au mois de mars, la négociation entre le Fpdt et le gouvernement de l’Etat devait porter sur la réhabilitation de l’école primaire de Texcoco et l’installation d’une école d’éducateurs spécialisés. Le délégué à l’éducation, à la culture et au bien-être social n’étant pas venu à la réunion décidée en commun, le Fpdt a exigé la présence du sous- délégué. En réponse, la force publique a encerclé l’édifice.

Face à cette situation, les représentants des communautés ont retenu les trois fonctionnaires plaçant trois explosifs désamorcés à leur ceinture, menaçant de les allumer si les forces de l’ordre ne se dispersaient pas. Après négociation, la police de l’Etat s’est retirée et les fonctionnaires sont partis

Ces faits montrent aussi bien la détermination de la population de s’impliquer dans la gestion des projets communaux que le refus du dialogue par les autorités lui substituant la répression policière.

Le 11 avril – il y a eu un accrochage entre des éléments de la force publique et des gens de la communauté de Texcoco venus vendre leurs fleurs comme à l’accoutumé. Des membres du Fpdt les accompagnaient. Il était important pour ces petits producteurs de fruits et légumes de vendre leurs produits avant la fin de la saison, qui va d’octobre à mai entre la Fête des Morts, et la Fête des Mères. Mais le Maire décide unilatéralement d’interdire la vente ce jour-là, les privant de ressources. Des centaines de policiers armés interviennent pour les déloger.

Le maire veut poursuivre coûte que coûte ses projets de rénovation urbaine. Le 15 avril, il fait appel à la Police de l’Etat pour appuyer ses150 policiers municipaux. Ainsi des milliers de policiers d’assaut lourdement armés ont envahi le marché traditionnel Belisario Dominguez de Texcoco.

Le 21 avril, la population a demandé officiellement l’ouverture de négociations Les fleuristes ont un entretien avec un représentant du Ministère de la Justice, et demandent le retrait des forces de l’ordre, des négociations et la possibilité de vendre leurs fleurs. On leur promet la réouverture d’une table des négociations sur le problème spécifique des fleuristes.

Selon divers témoignages, ils auraient reçu l’assurance de pouvoir s’installer le 3 mai, jour de la Sainte Croix de 4 heures du matin à 11 heures ainsi que le 10 mai, jour de la Fête des Mères et le 12 décembre fête importante s’il en est, de la Vierge de Guadalupe. Chaque année les ventes de ces jours de fêtes permettent aux paysans d’obtenir des ressources pour plusieurs mois. Cet accordétait donc capital pour leur survie.

Mieux que des commentaires, l‘énumération des faits relatés ci- dessous donnera une idée des événements qui ont suivi.

Le 3 mai 2006, 7 heures: A Texcoco la police municipale déloge violemment les horticulteurs qui venaient de s’installer face au marché Belisario Dominguez accompagnés de membres du FpdtA ce moment débute un affrontement qui se conclura par plusieurs blessés et des arrestations parmi lesquelles des passants ou de simples acheteurs. La charge policière dure plus d’une heure. Devant l’avancée policière dans Texcoco, le groupe de paysans et les gens qui les soutiennent, soit une quarantaine (40) de personnes, se réfugient dans une maison qui est immédiatement cernée par lapolice. De l’intérieur de la maison, on essaie de résoudre le conflit de manière pacifique en utilisant notamment des téléphones cellulaires. Il n’y a aucune réponse des autorités.8h 30: Plusieurs habitants de San Salvador Atenco, membres du Fpdt pour la plupart, bloquent la route au-dessus du village en solidarité avec leurs camarades restés à Texcoco.

10h à 12h: Différents corps de police cernent San Salvador Atenco et un affrontement violent a lieu sur la route. Les policiers tentent d’atteindre la ville mais les gens les en empêchent. Un jeune garçon de 14 ans Francisco Javier Cortes Santiago sort d’un fourré et se trouve face à un policier qui tire à bout portant. Atteint d’une balle de calibre 38 mm, il meurt. Des témoignages ne permettent aucun doute sur la détermination du policier assassin. L’escalade de la violence est alors inévitable. Des habitants cherchent à établir une communication avec les autorités pour trouver une solution.Vers 17h 30 environ 500 membres de la Police de l’Etat de Mexico font irruption dans une résidence de Texcoco, lançant des gazlacrymogènes, les forces d’assaut cassent la porte principale et accèdent à l’étage Ils frappent à coups de matraque et à coups de pied les femmes et les hommes qui s’y trouvent. Parmi eux, Ignacio del Valle, un des dirigeants du Fpdt. Ils sont tous arrêtés et transportés dans un camion dans les locaux du représentant du Ministère de la Justice de Texcoco, et de là à Toluca, la capitale de l’Etat. Jugé par la suite Ignacio Del Valle sera d’abord condamné à 67ans de prison puis à 122 ans, notamment pour prise d’otage alors qu’il ne s’était jamais trouvé sur le lieu des affrontements.17h 55: Pendant un rassemblement place des Trois Cultures à Tlatelolco, America Del Valle, la fille d’Ignacio vient informer de ce qui est en train de se passer, et demande aux collectifs et organisations sociales de se solidariser.Après 20h: Durant la nuit, les barricades se maintiennent, l’encerclement policier persiste et de ce fait, la possibilité d’autres arrestations au cours d’une nouvelle opération.

4 mai 20066h 30: Les 3 corps de police (Municipal, Etat, et Fédéral) participent àun véritable ratissage d’Atenco. Des hélicoptères survolent la ville, des maisons sont envahies par les policiers cassant vitres portes etmobilier. De nombreuses personnes sont arrêtées sansdiscernement, avec une violence inouïe. Les radios et télévisions arrivées en hélicoptères en même temps que les policiers lanceront pendant des heures, en boucle, de fausses informations, faisant état de policiers tués, ce qui ne va pas manquer d’exciter les policiers surplaceLa population est maintenue dans un état de siège. Toute la journée, le village est encerclé et occupé.204 personnes sont arrêtées, dont 9 mineurs et 5 étrangers. Le transfert des prisonniers vers la prison de Santiaguito commence, il durera plus de 6 heures alors qu’une heure de trajet aurait suffit.

Pendant ce laps de temps, dans les camions, les hommes et les femmes arrêtés sont torturés, et subissent abus sexuels et viols.A 14h: L’encerclement policier d’Atenco se poursuit, et le gouverneur de l’Etat Peña Nieto déclare que cet encerclement durera tout le temps qu’il faudra.

5 mai 20066h-17h: Les 5 étranger(e)s détenu(e)s à Atenco sont transporté(e)s au centre de l’Institut National de Migration de Mexico, une avocate réussit à voir l’une des étrangères, on l’empêche d’être la représentante légale de l’ensemble du groupe, elle peut seulementrégler les formalités pour l’un d’entre eux. Pour assurer la protection légale du groupe, l’avocate engage des démarches afin d’obtenir une suspension de la procédure d’expulsion.18h 30: Les étranger(e)s sont tous emmenés en voiture, sans que leur destination soit communiquée à l’avocate.19h 30: La résolution de suspension arrive aux services de l’immigration de l’aéroport de Mexico où on affirme tout ignorer.A 23h, les vols décollent vers les différents pays de destination, tous les 5 sont expulsés illégalement sans aucun recours.

On a pu évaluer à 6000 le nombre de policiers des différents corps qui ont participé à l’opération.

On apprendra qu’un jeune étudiant de 20 ans Alexis Benhumea Hernández venu en solidarité, a reçu une grenade lacrymogène en plein visage. Incapable de bouger il est resté à terre de longues heures. Aucun soin ne lui a été prodigué. La Croix Rouge invoquera plus tard les instructions permanentes de ne pas s’approcher des lieux de conflits violents. Quand sa famille put le faire transporter à l’hôpital, il se trouvait dans un coma profond dans lequel il est resté un mois avant de mourir. Ses parents ont refusé les compensations financières proposées par l’Etat.

Les événements d’Atenco ont donc fait deux morts, deux jeunes outre de nombreux blessés. La Cciodh a recueilli de très nombreux témoignages directsbouleversants. (annexe 9)

Le rapport de la CCIODH souligne les points suivants:

  • Utilisation excessive de la force publique contraire aux principes de proportionnalité, raisonnables et de nécessité absolue.
  • Non respect des normes internationales de protection des droits humains.
  • Les abus policiers ont représenté une violation grave et massive desdroits humains illustrée par une série de faits présumés délictueux à savoir: détentions illégales, violations de domiciles, décès d‘une personne, agression ayant entraîné le coma, actes de torture, multitude d’agressions physiques, verbales et morales, graves attentats à l’intégrité sexuelle y compris des viols
  • Violations des droits des prisonniers à un procès.
  • Responsabilités de l’État et des autorités fédérales.
  • Nécessité de juger et sanctionner les actes délictueux y compris au niveau des autorités qui par omission ou par action ont pris part à l’élaboration, la planification de l’action et à son exécution.
  • La Commission a demandé la suspension des responsables policiers, la libération des personnes détenues et l’annulation des mesures d’expulsion.
  • La Comission a souligné que les faits dénoncés dans son rapport, sont d’autant plus graves que le Mexique occupait à ce moment la présidence du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.
  • Enfin la commission a demandé réparations des préjudices matériels, économiques, psychologiques, moraux et la reconnaissance officielle de la vérité.

Le plus difficile sera la restauration de la vie en commun, processus complexe qui va bien au-delà de la recherche de la vérité ou de la justice pour aboutir, finalement, à trouver les causes originelles du conflit. Elle s’enracine dans des raisons structurelles (pauvreté, accès inégal aux ressources, absence d’accès réel à des canaux de participation politique, etc.). En ce sens la principale mesure réparatrice pour la population et la principale demande, enregistrée à plusieurs reprises lors des entrevues avec les habitants, est de s’occuper des causes à l’origine du conflit.S’occuper de manière juste et adéquate des revendications dans le domaine de l’éducation et de la santé, de la voirie et des travaux publics ou de la gestion des espaces public est le principal élément de réparation.

OAXACA – Ve visite de la Cciodh

3360 personnalités et organisations dans le monde ont apporté leur signature en soutien à la cinquième visite de la Cciodh qui s’est déroulée dans l’Etat d’Oaxaca du 17 décembre 2006 au 20 janvier2007. Le gouvernement avait réprimé sauvagement les manifestations d’un mouvement d’enseignants pour l’amélioration des conditions salariales. La répression a conduit à ce que la population se solidarise en un vaste mouvement populaire, exigeant des réformeset la destitution du gouverneur Ulises Ruiz Ortiz. La réponse du gouverneur a été immédiate et s’est concrétisée par des centaines d’arrestations, viols, tortures et disparitions. Un journaliste américain Brad Will qui faisait un reportage des manifestations a été tué. De juin à décembre 2006, 23 morts ont été officiellement dénombrés auxquelles s’ajoutent un nombre indéterminé de disparus.

Développer la situation qui perdure dans l’état d’Oaxaca nécessiterait une conférence spéciale. L’Oaxaca est un État situé dans le sud du Mexique au sud-ouest de l’isthme de Tehuantepec, dans les montagnes et vallées de la Sierra Madre del Sur et Sierra Madre Oriental. Il porte le nom de sa capitale Oaxaca. Il est entouré par l’État du Guerrero à l’ouest, par Puebla au nord-ouest, Veracruz au Nord et le Chiapas à l’est. La frontière sud d’Oaxaca donne sur l’Océan Pacifique. L’Oaxaca s’étend sur 93793 km2, 2 fois la Suisse. Il a 3,5 millions d’habitants dont plus du tiers sont indigènes ce qui représente le plus grand nombre d’indigènes du pays. Il est le cinquième plus grand état du Mexique.

La marginalisation économique, sociale et politique des communautés rurales est quasi totale mais hélas aussi touche une grande partie de la population urbaine. Oaxaca occupe les dernières places de la République pour la majorité des indicateurs de marginalisation, dont parmi d’autres le manque d’électricité, d’évacuation des eaux usées, d’eau potable. Approximativement 67% de sa population vit dans la pauvreté, et les niveaux de scolarité et de santé sont particulièrement bas. La moitié de la population vit dans les communautés rurales dans des conditions de vie extrêmement précaires. 463 des 570 communes peuvent être classées dans un niveau de marginalité élevé et trèsélevés

Après une année d’une situation insurrectionnelle un calme très relatif est revenu dans la capitale et dans l’Etat.Toutefois la population est très mobilisée et organisée en différents associations coordonnées sous l’égide de l’APPO «Assemblée Populaire des peuples d’Oaxaca» La situation reste explosive.On dénonce de nombreuses disparitions. On a trouvé en octobre 2008 le corps décomposé d’une travailleuse sociale américaine disparue qui vivait au Mexique. Le même mois un commissaire de police a été tué en pleine rue. On a dénombré de nombreux assassinats.

Lors de sa 6e visite en février 2008 la Cciodh a recueilli à Oaxaca plus de 280 entretiens réalisés avec 596 personnes confirmant que la situation des droits humains dans cet état est extrêmement critique. Lors de son séjour à Oaxaca une manifestation s’est déroulée, devant les bâtiments qui abritaient la Cciodh, demandant son intervention contre les agissements reconnus de pédophiles dans plusieursécoles. Le modèle de répression et de harcèlement contre les mouvements sociaux revendicatifs n’est pas seulement le fait des divers corps de police locaux ou fédéraux mais de l’armée mexicaine dont le rôle, est de plus en plus actif.

La répression dans l’état d’Oaxaca n’a rien à envier au Chiapas et à Atenco. On peut toutefois relever qu’elle n’est pas ponctuelle mais qu’il s’agit d’une répression permanente et systématique. Le gouverneur Ulises Luis Ortiz est considéré comme le principal responsable d’une situation bloquée. Membre du PRI il est soutenu pour des raisons de marchandage politique par le gouvernement PAN de Felipe Calderon

Le témoignage rapporté par la présidente de la Ligue Mexicaine pour la Défense des Droits Humains explicitera à lui seul la situation que vit la population de l’état.

Un étudiant de 17 ans, Vladimir Gonzàlez Martìnez, a raconté: le 13 janvier 2006 à 11h du matin, il se rendait à une manifestation pour la libération des prisonniers politiques, partant du centre de Miahuatlàn à la prison. La manifestation terminée vers 14 heures, il est parti à bord d’une camionnette avec d’autres compagnons et des enfants. «En arrivant sur la route fédérale, j’ai vu deux camionnettes de policiers d’Etat armés qui nous bloquaient le passage. Ils m’ont sorti de la camionnette, m’ont frappé et insulté. Ils nous ont poussé dans une autre camionnette visage à terre nous disant « nous allons vous enterrer, nous allons vous violer ou vous jeter à la mer ». Après une demi-heure de route, ils se sont arrêtés m’ont descendu de la camionnette, et ont recommencé à me frapper. A nouveau, ils m‘ont remis dans le véhicule. Ils m’ont planté des aiguilles dans les mollets. Ils m’ont pris mon téléphone portable, mon argent et un lecteur mp3. Ils ont redémarré et nous avons roulé une heure environ. Durant tout le trajet, ils m’ont frappé, puis ils ont commencé à nous menacer de viol, moi et mon ami Rogelio Garcìa Hernàndez qui avait également été arrêté. Ils nous ont fait descendre de la camionnette, nous ont menottés l’un à l’autre et nous ont emmenés à San Bartola Coyotepec. Ils nous ont encore frappés, nous ont remis à d’autres policiers qui filmaient, nous demandant à quelle organisation nous appartenions et pourquoi nous étions « des agitateurs ». Nous étions cinq là-bas; trois de mes compagnons sont arrivés dans une autre camionnette. Nous sommes restés là environ une heure. Plusieurs policiers cagoulés sont arrivés; ils nous ont sorti de la cellule et nous ont placés près du logo de la police. Ils m’ont donné une arme; ils m’ont frappé en m’obligeant à l’empoigner. Ils m’ont pris en photo dans cette posture».

Rogelio Garcìa Hernàndez, de 18 ans, également arrêté et libéré sous caution: «Nous sommes allés à la manifestation à Miahuatlàn pour demander la libération des étudiants détenus. La marche a débuté samedi à 11h du matin, et s’est terminée à une heure et demie environ. Après 14h, je conduisais une camionnette grise Nissan. Je n’étais pas encore sorti, quand une patrouille a barré la route en criant: « que tout le monde descende! ». Ils n’ont respecté personne, ni les enfants ni les personnes âgées. Ils m’ont ramené dans leur véhicule, jeté au sol face à terre on a tourné sans arrêt sans même pouvoir nous lever ni regarder vers le haut. «Nous allons vous tuer. Toi, m’ont-ils dit, tu vas creuser la tombe dans laquelle tu vas enterrer ton ami Vladimir Gonzàlez et lui creusera la tombe dans laquelle on va t’enterrer». Puis ils ont recommencé à nous frapper avec la crosse des fusils et nous ont dit: « nous allons vous violer ». Ils nous ont retenus là environ deux heures, mon ami et moi. La patrouille a avancé, c’étaient les mêmes qui étaient dans la prison. Ils ont changé de véhicule Ils ont recommencé à nous menacer: « vousêtes mal barrés ». Si on vous tue, on viendra à bout de la rage. Ils nous ont couvert le visage, nous ont mis en prison et une demi-heure plus tard, des représentants des droits humains sont arrivés. Nous leur avons dit que les policiers nous avaient frappés. Le médecin nous a examiné et selon lui, il ne s’était rien passé. «Ensuite, ils nous ont remis à un type qui nous a demandé à quelle organisation nous appartenions, moi j’ai répondu que le gouvernement était là pour nous aider et non pas pour nous réprimer. Puis un sergent ou un gros commandant m’a mis une arme entre les mains en disant « prends cette arme, fils de chienne prends là connard! »; comme je refusais, il m’a frappé. Ils m’ont photographié et m’ont remis à la PGR, après minuit».

CNDH

Alors que la Commission des Droits Humains de l’état d’Oaxaca n’a pas jugé utile de faire des recommandations la Commission nationale Cndh s’est prononcée en des termes qui, à grands traits, corroborent notre enquête, Dans un copieux document de 16 pages, elle établit qu’à partir du 14 juin 2006 et de la formation de l’APPO, desfonctionnaires publics appartenant aux trois niveaux de gouvernement (municipal, de l’État et fédéral) ont affecté les droits humains de la population d’Oaxaca dans les domaines suivants: violation de la liberté de réunion, de la liberté de la personne, par arrestation arbitraire et rétention illégale, violation des libertés d’expression et d’information, de l’intégrité et de la sécurité de lapersonne, par atteintes à l’intégrité physique et par des actes de torture, atteinte à la propriété et à la possession, par des attaques à la propriété privée, violation de la légalité et de la sécurité juridique par des manœuvres dilatoires dans l’administration de la justice, par intégration irrégulière de l’enquête préalable pour absence de motifs et de fondements juridiques, par la mise au secret des détenus et par la protection insuffisante des personnes et de la vie.

Selon la Cndh, l’action des autorités de l’État et fédérales, non contente de violer la Constitution mexicaine elle-même, a enfreint la Convention Américaine sur les Droits Humains, la Convention contre la Torture et Autres Traitements ou Peines Cruels, Inhumains ou Dégradants, et le Pacte International des Droits Civils et Politiques, entre autres accords internationaux.

Mais la Commission des droits humains de l’état d’Oaxaca justifie l’absence d’enquête par l’absence de plaintes dans ce domaine. Elle déclare «La presse a fait état de quelques faits, mais concrètement nous n’avons pas reçu de plaintes».

Pour le Ministère de l’Intérieur d’Oaxaca, s’adressant à la Cciodh «Le conflit n’est pas encore terminé, c’est pourquoi nous vous assurons qu’il sera fait tout ce qui est possible dans le cas notamment des petites jeunes filles triquis pour que soient punis non seulement les exécutants matériels, mais tous les responsables.Mais si vous revenez dans dix mois et que vous trouvez des conflits à Oaxaca, il ne pourra pas s’agir de celui de 2006. «Il y a de nombreux conflits dans le monde, par exemple aux Etats- Unis d’Amérique il y a des violations des droits humains avec les prisonniers de Guantánamo. Nous, nous insistons sur le fait qu’il y a un problème de pauvreté et qu’on ne peut pas rendre legouvernement responsable de tout. Il y a des régions où la violence est une constante …). C’est une question culturelle.»

Il n’est pas négligeable de remarquer que la Commission Nationale des Droits Humains, Cndh, qui est un organisme gouvernemental, a pris récemment un virage à 180° Cette commission s’ alignait systématiquement sur le gouvernement niant toute atteinte pourtantévidentes aux Droits Humains. Pour la première fois à la suite desévénements d’Atenco, elle a dénoncé les graves dysfonctionnements et atteintes flagrantes aux droits des personnes. Avec les événements d’Oaxaca son rapport a été encore plus clair, ce qui est un signal encourageant. Est-ce ce qui a permis à Mme Benita Ferrero Walder Commissaire Européen, engagée dans un nouvel accord stratégiqueavec le Mexique, d’affirmer que la situation des Droits Humains s’est nettement améliorée au Mexique. Elle n’a pas du lire les rapports sur le sujet.

Si la 5e mission avait relevé 23 tués lors des événements de 2006 à Oaxaca au cours de notre dernière mission nous avons pu noter que le nombre de morts liés au conflit a continué à augmenter. Nous avons corroboré 62 cas depuis juin 2006. Au moins 26 durant le second semestre de 2006, au moins 15 personnes ont été tuées dans les 4 premiers mois de 2008, un minimum de 21 en 2007La brutalité policière et les arrestations arbitraires et irrégulières ont continué, de même que les signalements de tortures, remettant profondément en cause le respect des droits constitutionnels enmatière de droit à un jugement équitable et de réparation du dommage de celles des personnes arrêtées qui ont pu démontrer l’illégalité de leur arrestation. Ces atteintes aux droits humains nous situe dans un contexte pas très éloigné de celui de la «guerre sale» des années 70.

Une particularité du Mexique ne doit pas tromper car il n’existe que pour la vitrine. Chaque Ministère fédéral ou des Etats a créé un Commission de Droits Humains, y compris bien entendu le ministère de la justice. En fait ces Commissions ont pour mission de travestir et camoufler la réalité. Quand j’ai été reçu au Ministère de la Justice à Mexico DF, c’est le staff de la Commission qui m’a reçu avec café et petits gâteaux. On m’a même affirmé que la Police dite Préventive n’était pas armée alors que tous les journaux avaient abondamment diffusé des photos de membres de cette police lourdement armés, se livrant à des exactions sur des civils ensanglantés. Propagande m’a-t- on répondu. La Presse est libre au Mexique mais plus de 80 % appartient aux grands groupes liés au PRI.Toutefois les journalistes font souvent l’objet d’intimidation et les attaques contre les journalistes indépendants se multiplient

Les enlèvements, disparitions et assassinats de journalistes sont fréquents. 20 Journalistes Mexicains ont été assassinés ces 7 dernières années.

José Antonio García Apac, directeur de l’hebdomadaire Ecos de la Cuenca, est porté disparu Il a été vu pour la dernière fois, le 20 novembre 2006, près de Tepalcatepec, alors qu’il s’apprêtait à rejoindre son domicile de MoreliaJaime Arturo Olvera Bravo, photographe pigiste free-lance et ancien correspondant du quotidien La Voz de Michoacán, a été tué le 9 mars2006, à La Piedad.Gerardo Israel García Pimentel, journaliste du quotidien La Opinión de Michoacán, a été tué par balles le 8 décembre 2007 à Uruapán. Mauricio Estrada Zamora, du quotidien régional La Opinión de Apatzingán, est porté disparu depuis le 12 février 2008.Pedro Matías Arrazola, du quotidien « Noticias d’Oaxaca » et correspondant de l’hebdomadaire national « Proceso », collaborateur d’une radio, où il critique régulièrement des responsables du gouvernement a été enlevé dans la soirée du 25 octobre 2008 alors qu’il quittait le siège du quotidien pour regagner son domicile à Oaxaca. Détenu pendant plus de douze heures dans la nuit du 25 au26 octobre il a subi de multiples violences et des tortures psychologiques. Les policiers simulant son exécution l’ont passé à tabac et terrorisé pendant des heures. Menacé d’être traîné derrière un véhicule, les policiers l’ont également menacé de lui couper les parties génitales, de le violer et de le décapiter, lui demandant quel mort il préférait. Il n’a été relâché que le lendemain matin dans la localité de Tlacolula de Matamoros, à une trentaine de kilomètres d’Oaxaca, dépouillé de ses papiers et de son véhicule.

LE CAS LYDIA CACHO

En 2008 la journaliste mexicaine Lydia Cacho a reçu le Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO-Guillermo Cano créé en 1997 du nom du directeur de publication colombien Guillermo Cano, assassiné en 1987 pour avoir dénoncé les activités des puissants barons de la drogue dans son pays.

Journaliste indépendante Lydia Cacho,présidente du CIAM, centre d’assistance pour les femmes, et militante en faveur des droits humains, collabore au quotidien `La Voz del Caribe´. Elle a enquêté sur la mort violente de centaines de jeunes femmes dans la ville de Ciudad Juarez au nord du Mexique. Ses enquêtes journalistiques ont mis à jour la participation d’hommes d’affaires, de politiciens et de trafiquants de drogue à des réseaux de prostitution et de pornographie infantiles, dénonçant des personnalités du monde économique et politique.

Auteure du livre «Los Demonios del Edén El poder que protege a la pornografía infantil, menacée de mort, Lydia Cacho a été victime de harcèlements policiers, sa voiture sabotée. Enlevée par des policiers à Cancun conduite à la prison de Puebla où elle a fait l’objet d’intimidations et de menace de viol, elle a été libérée sous caution et poursuivi pour diffamation. Lors de son passage à Mexico, la haute représentante pour les droits humains de l’ONU, impuissante, a conseillé à cette journaliste Mexicaine de quitter le Mexique…


CONCLUSIONS

Il est de notre responsabilité de regarder derrière la belle vitrine que les gouvernements successifs mexicains s’ingénient à présenter au monde.

Les revendications Indigènes n’ont rien de nouveau, ni de bien original; l’accès à la terre, dont ils ont été dépouillés.

Un accès rendu d’autant plus impérieux que les prix des productions agricoles s’effondrent tandis que les produits alimentaires de première nécessité ne cessent d’augmenter. La volonté de construire l’autonomie, à commencer celle des communautés et des municipalités, et donc la reconnaissance deleurs droits à s’administrer eux-mêmes, à décider de leur organisation sociale, économique, politique, judiciaire et de leurs droits à contrôler leurs ressources.

On a vu que la réponse du gouvernement fédéral mexicain et desétats aux revendications est invariable. Elle se traduit par la non reconnaissance de la légitimité des demandes et des droits, par unerépression féroce et par la criminilisation des mouvements sociaux

A la paramilitarisation illégale déjà ancienne le gouvernement actuel ajoute une militarisation inquiétante du pays. Sous le prétexte de combler les déficiences l’absence de volonté ou l’incapacité de la police corrompue, il donne des tâches de police à l’armée. Les militaires n’étant pas formés à ce travail, on assiste de plus en plus à des bavures de toutes sortes.

De leur côté, les communautés indigènes s’organisent à un niveau que leur résistance n’a peut-être jamais atteint auparavant au Mexique. L’unification des revendications est en train de se construire des convergences se créent autour de la revendication des mêmes droits, individuels et collectifs, qui concernent l’ensemble d’une population touchée par les conséquences de la politiqueéconomique et sociale des dirigeants politiques et des entreprises multinationales.


ADDENDA

La situation ne s’est pas améliorée dans les états cités dans cette conférence. Et pas davantage en général au Mexique. Il faut relever que le 15 mars 2009 Pedro Reyes Flores, l’un des condamnés à 31 ans de prison pour les événements d’Atenco a été libéré libre de toute inculpation. Ignacio Del Valle, condamné lui à 122 ans reste en prison de haute sécurité, sa fille America qui risque une arrestation est dans la clandestinité depuis 2006 mais a accordé en février 2009 une entrevue à la presse.

Au Chiapas plusieurs prisonniers ont été libérés après des grèves de la faim. Il semble que le gouverneur revoit certains dossiers de personnes emprisonnées sur la base de délits supposés. Toutefois la condamnation à 37,5 années de prison au mois de mars 2009, d’un leader de l’OCEZ arrêté en 2001 ne va pas dans le sens d’un apaisement. Le mouvement de résistance à Atenco se développe avec l’exigence de la libération de tous les détenus dont Ignacio Del Valle. La cour suprême s’est saisie des accusations portées contre les responsables politiques et policiers des massacres d’Atenco. Elle a retenu l’usage disproportionné de la force, l’emploi inadéquatd’armes mais a disculpé totalement le gouverneur Peña Nieto et les responsables des différents corps de police notant que s’il y eut des excès ce fut le fait d’initiatives individuelles non concertées impossible à identifier. Le gouvernement semble vouloir réactiver le projet de création de l’aéroport. On peut s’attendre à d’importants mouvements d’opposition.

Après la présentation du rapport de la Cciodh le 1 juillet 2008 au Parlement Européen, plusieurs députés notamment du groupe du Verts/Alliance libre européenne et du groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique ont demandé à la Commission Européenne des explications sur le nouveau partenariat stratégique de la Commission avec le gouvernement mexicain, rappelant la clause démocratique et de respect des Drooits Humains contenus dans les accords UE/Mexique.. L’Assemblée plénière du 12 mars 2009 du Parlement Européen a été particulièrement décevante, la grande majorité des orateurs se sont limités à vanter le rôle important du Mexique dans les forums internationaux. Seuls deus députés Espagnols Willy Meyer (GUE) yRaul Romeva (VERT) ont fait une lecture très critique de ce partenariat. Des amendements ont bien été déposés dans le même sens par les députés Verts/ALE Monica Frassoni, Eva Lichtenberger, Caroline Lucas, Raül Romeva mais le rapporteur José Ignacio Salafranca a obtenu un vote bloqué favorable au renforcement du partenariat stratégique chère à la commissaire européenne BenitaFerrero Walder, l’alliance PPE-DE- PSE-ALDE (Parti Populaire Européen et Démocrate-Chrétien – Parti Socialiste Européen – Alliance des Libéraux et des Démocrates pour l’Europe) n’admettant aucune critique sur les excellentes relations commerciales en faveur des entreprises européennes. Tous les amendements ont été rejetés.

En 2009 le pays s’enfonce dans les règlements de compte entre cartels de drogue lourdement armés. On ne compte plus les morts dans les affrontements entre bandes ou avec les forces de police. Des postes de police sont régulièrement attaqués. Chaque jour on découvre des cadavres de civils connus ou inconnus ou encore de policiers. En février 2009 des dizaines de corps décapités ont été trouvés dans plusieurs états du pays. Un climat d’insécurité s’étend dans tout le pays, et non seulement à Ciudad Juarez, ville frontière où des centaines de femmes ont disparu,ce qu’on appelle le«féminicide» sans qu’aucune disparition n’ait été élucidée. Les gangs, dont de nombreux directeurs sont les otages ou lescomplices, font la loi dans la plupart des prisons. Malgré ses déclarations, le gouvernement semble incapable de rétablir une situation de droit. Des ministres reconnaissent publiquement qu’un grand nombre de policiers, de fonctionnaires et de magistrats sont corrompus. Le président Calderon prend ce prétexte pour militariser davantage tout le pays, négligeant le fait que l’armée n’est pas préparée à effectuer des tâches de police et qu’elle est elle-mêmecorrompue L’opposition crie d’ailleurs à l’anti-constitutionnalité de ce transfert de pouvoirs. Le président prétend faire de la lutte contre le trafic de drogue l’axe de son gouvernement. Les journaux font état quotidiennement d’arrestations de barons de la drogue mais il semble que les cartels soient loin d’être décapités. Ils possèdent un armement sophistiqué que l’armée leur envie. En outre ils recrutentdans les rangs mêmes de l’armée et de la police à tous les niveaux y compris d’officiers supérieurs. Il est vrai que les salaires offerts sont beaucoup plus élevés même si Felipe Calderon a augmenté la solde des militaires. L’opposition est désunie et tente des accords électoraux à l’approche des élections législatives de juillet 2009. Andrès Manuel Obrador dit AMLO ancien Chef du gouvernement du District Fédéral et anciencandidat à la Présidence de la République en 2006 au nom du PRD, s’est déclaré «Président Légitime» et a organisé un vaste mouvement autour de sa personne. Il ne représente plus son ancien parti le PRD et parcourt le pays dénonçant la politique de«l’usurpateur» Felipe Calderon. Néanmoins pour l’heure il refuse de se déclarer candidat aux prochaines élections présidentielles

Le texte de la conférence donnée à Genève le 19 novembre 2008 au nom de la CCIODH, n’a pas été soumis préalablement à la commission. En conséquence les considérations et appréciations notamment celles contenues dans l’addenda n’engage que le conférencier.


 

NOTES

Note 1 – Organisation Internationale du Travail (OIT)

Cette 169e convention de l’OIT s’appuie notamment sur la reconnaissance des torts considérables infligés par les puissances colonisatrices et dominantes aux peuples indigènes de la planète. Elle reconnaîtégalement l’immense richesse que constitue pour l’ensemble des habitants de la planète l’existence de ces cultures indigènes. Elle appelle l’ensemble des états à modifier leurs constitutions afin de permettre ledéveloppement autonome et l’intégrité de ces peuples. Elle demande donc le respect de leurs droits culturels, mais aussi celui à occuper un espace et un territoire propre, où ils puissent être maîtres, comme ils l’entendent, des ressources du sol et du sous-sol, de la protection de la nature, où ils puissent s’administrer selon leurs critères et leurs coutumes, où ils puissent enfin continuer d’exister en tant que communautés avec une existence juridique propre. On sait par exemple que pour la plupartde ces cultures, la propriété individuelle de la terre est un non-sens. considérant que la terre est notre mère.

(retour)

Note 2 – Mexico Tenochtitlán

Tenochtitlán, capitale de l’empire aztèque, construite sur une île du lac Texcoco au début du XIVe siècle dont une grande partie a été asséché a été détruite pas les Espagnols qui ont fondé sur son emplacement, la ville de Mexico capitale de la vice-royauté de Nouvelle-Espagne.Situé sur un plateau à 2250 mètres d’altitude c’est une cuvette entourée de hauts sommets culminant à plus de 5000 mètres.Capitale des Etats Unis du Mexique elle est généralement désignée sous l’abréviation D.F. pour District Fédéral, appellation officielle, ce quiévite la confusion avec l’Etat de Mexico voisin dont elle ne fait pas partie.Sa population actuelle est d’environ 25 millions d’habitants alors qu’elle n’en avait que 30 000 après l’épidémie de variole en 1520 et 1,6 million en 1940.

(retour)

Note 3 – Peuples Indigènes

On peut compter 86 langues et autant de peuples indigènes de racines préhispaniques.

Sans prétendre être complet, nous donnons ici, dans l’orthographe espagnole, quelques-uns des principaux peuples avant l’invasion. Les Olmècas dans le golfe du Mexique, le Guerrero et la Vallée deMexico. Les Teotihuacanos au centre du Mexique, considérés comme la source de la culture et de la philosophie sur laquelle s’est fondée l’universpréhispanique basé sur l’héritage Olmèque et plus tardLes Toltècas.plus tard encore dans la vallée de Anahuac (région de Mexico) lesTexcocanos, les Alcohuas, les Azcapozalcas et finalement les Aztecas, qui sont tous des peuples NahuatlsDans l’état de Mexico, les MazahuasPlus au nord mais bien avant la frontière actuelle avec les Etats Unis, les Chichimecas. Plus au nord encore la culture de la Quemada avec les Zacatecas. A Chihuaha les Anazi dont la culture s’est étendue jusqu’en Arizona et au Nouveau MexiqueLes Huastecos dans les états de San Luis Potozi, Hidalgo et Veracruz qui utilisent une langue mayaAu Yucatan et au Guatemala, les MayasDans l’Oaxaca, les Zapotecas et les Mixtecaos. Au Michoacan les Purepechas.

(retour)

Note 4 – Drogue et Corruption

On notera qu’à la veille et au cours de la seconde guerre mondiale le gouvernement nazi du IIIe Reich Allemand a tenté d’utiliser le Mexique pour s’assurer notamment des approvisionnements en pétrole. Avec la complicité de dirigeants politiques mexicains et de quelques personnalités financières et artistiques des Etats Unis il a mis sur pied des réseaux d’espionnage au détriment des Etats Unis d’Amérique. Dans le même temps, ces réseaux ont commencé à alimenter un trafic de drogue dans lequel se sont impliqués des personnages politiques mexicains de première importance. Ce trafic de drogue d’abord vers les militaires américains dans le Pacifique était censé affaiblir leur potentiel. A la tête de ce trafic on trouve déjà un militaire Mexicain de haut rend, ce qui n’a en rien compromis sa carrière. On peut dire que depuis cette époque la corruption n’a fait que s’amplifier parallèlement au développement de cartels de drogue.

Lire à ce sujet le très documenté livre du journaliste Mexicain Juan Alberto Cedillo «Los Nazis en Mexico» (Random House Mondadori Paperback), prix du journalisme reportage 2007.

(retour)

Note 5 – Luis Echeverria Alvarez

Après que la Cour Suprême de Justice ait décidé le 24 février 2005 par4 voix contre une que la prescription de 30 ans devait s’appliquer, Luis Echeverria a néanmoins été poursuivi les 20 septembres 2005 pour crimes et génocides en sa qualité de ministre de l’intérieur du gouvernement Diaz Ordaz. Après avoir été déclaré une première fois non coupable alors qu’un ordre d’arrestation avait été délivré, il a finalement été assigné à résidence à son domicile depuis le 29 novembre 2006. En mars 2009 au grand dam des défenseurs des droits humains et du comité 68 un tribunal a finalement exonéré Luis Echeverria Alvarez de toute responsabilité dans la tuerie de Tlatelolco Place des Trois Cultures. Le conseil universitaire de l’UNAM exige néanmoins que de nouvelles investigations soient faites pour établir la vérité historique sur la tuerie d’octobre 1968.Des comités ne désespèrent pas qu’un nouveau jugement puisse être envisagé pour les disparitions politiques du temps de la présidence de Luis Echeverria.

(retour)

Note 6 – EJIDO

Communauté paysanne collectivement propriétaire d’une surface de terres indivises, inaliénables et gérées en commun. Renforcé par la révolution mexicaine et sa réforme agraire (qui reconstitue les communautés paysannes, limite la propriété privée de la terre et répartit les grandes propriétés),L’ejido est déclaré obsolète et rétrograde sous la présidence de CarlosSalinas de Gortari (1988-1994). La constitution est réformée en 1992, pour rendre au marché les terres ejidales ou communales, qui peuventdésormais être divisées et vendues. Néanmoins il subsiste de nombreux «ejido ou terres ejidales».

Quand la terre appartient à l’ensemble des membres de la communauté chaque «ejidatario» reçoit une parcelle de terre, et toute décision qui a trait à ces terres doit être prise par l’assemblée des «ejidatarios».

(retour)

Note 7 – PROCEDE et PROCAMPO

Programa de Certificación de Derechos Ejidales y Titulación de Solares Urbanos – Programme fédéral de certification des droits juridiques de propriété ejidale et des terrains dans un contexte urbain (jardins) créé par une loi de 1992 sur recommandation de la Banque Mondiale.

Le PROCEDE, a la différence du titre d’ayant droit ejidal (dotación ejidal o derecho ejidal) ou du PROCAMPO (qui est programme de crédit à la production) est la première étape vers l’obtention d’un titre de propriété (dénommé de «Dominio pleno»). Il donne droit à l’obtention d’un crédit auprès d’une banque privée. Le titre étant donné en garantie de payement. Par contre, il ne donne pas le droit de vendre la terre, ce que les bénéficiaires ignorent généralement et qui est l’origine de nombreux conflits agraires.

PROCAMPO – Programa de apoyos directos al campo Programme (du gouvernement fédéral) de soutien aux paysans Créé fin 1993 il est censé limiter les conséquences négativeséventuelles de l’application de l’Alena dans le monde rural par un système de compensation ou de crédit aux producteurs nationaux face à la concurrence étrangère.

(retour)

Note 8 – PNUD – PROGRAMME DES NATIONS UNIS POUR LE DEVELOPPEMENT

Pour le Mexique, la problématique est de haut risque vu que l’importation de produits alimentaires de base représente 35% de ceux consommés. La principale préoccupation de la population est liée à l’augmentation des prix des produits alimentaires. Des groupes civils organisés au sein du Réseau «Information et Action pour le Droit Humain à l’Alimentation’, ontalerté que le pays présentait d’ores et déjà des signes de crise alimentaire,

Selon un diagnostic préliminaire du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) rendu public et intitulé «Prix des Aliments, Pauvreté et Politique Sociale au Mexique», durant les deux dernières années, (2006,2007) 1 800 000 mexicains de plus se trouvent en situation de pauvreté extrême et 1 300 000 de plus en situation de pauvreté de patrimoine (lorsque la personne ne parvient pas à satisfaire ses besoins en matière de logement, transport et vêtement).

Pendant cette même période, un rapport encore plus alarmant du Centre d’Etudes des Finances Publiques de la Chambre des Députés (Impact de l’augmentation des prix des aliments sur la pauvreté au Mexique) a conclu que la population mexicaine en pauvreté extrême a augmenté d’au moins 7 millions de personnes du fait de la hausse du prix des aliments, passant de 13.7 à 20% du total national soit plus de 21 millions d’habitants donc encore beaucoup plus que les chiffres données précédemment par le gouvernement.

(retour)

Note 9 – TÉMOIGNAGES ATENCO

De nombreux témoignages figurent en annexe du rapport de la Cciodh. Ci-dessous quelques extraits. Les dénonciations d’abus sexuels sont nombreuses parmi les témoignages des femmes. Il semble que, à des degrés divers aucune femme n’aitéchappé à ce type d’agression. Les témoignages des hommes viennentconfirmer ce point, signalant qu’ils entendaient les femmes se faire agresser ajoutant que, même parmi eux, certains eurent à subir des violences sexuelles.

Témoignage 62: «Ils nous ont mis accroupis contre le mur, nous frappant sur la tête. Parce que ma tête ne saignait pas, bien qu’il m’ait déjà frappée, un policier a dit:cette chienne est encore propre et ils ont continué de me frapper encore etencore… Au cours des opérations des 3 et 4 mai, ils ont utilisé des armesà feu, des gaz lacrymogènes à tirs tendus, des matraques et des matraques électriques. Leur stratégie était de détruire les biens, tant publics (maison communale, etc.) que particuliers (maisons, voitures etc.). Pendant toute la journée du 4, les agents de la PFP sont entrés dans lesmaisons, saccageant, frappant et arrêtant les personnes qui s’y trouvaient. Toutes ces actions de terreur ont été accompagnées de vols, de pillage et de destructions sans limite».

Témoignage 69: «Le 4 mai à 8h 30, j’étais dans ma maison. De ma porte j’ai vu entrer dans la maison de ma tante en face de chez moi. 4 ou 5 hommes en uniformegris avec un gilet noir. Ils avaient de gros pistolets. J’étais avec mon papa,mes oncles et ma cousine à la porte. Les policiers ont cassé les fenêtres de la maison de ma tante et sont entrés. Ils ont sorti mon cousin, l’ont jeté violemment contre le grillage et l’ont battu et roué de coups de pied. Ils ont emmené trois de mes oncles en caleçon après leur avoir enlevé leurs pantalons. Les policiers cassaient les vitres des autos, Ils se sont payé une fourgonnette en stationnement. Ils criaient des grossièretés, insultaient et humiliaient mes oncles et mon cousin. Ils n’avaient aucune pitié. Ils paraissaient drogués. Je suis monté à l’étage dans une chambre d’où je pouvais voir l’intérieur de la maison de ma tante. Ils cassaient tout, renversaient les lits et ont jeté la télévision par terre. Dans une autre pièce, il y avait les enfants avec l’épouse d’un de mes oncles. Ils ont enfoncé la porte à coups de pied et sont entrés. Ils ont cassé les vitres et ont emporté des affaires.

Témoignage 10: «Quand ils nous ont arrêtés, les policiers ont fait subir des attouchements aux femmes (…), la façon de leur toucher, les seins laissait entendre qu’ils n’allaient pas en rester là. Les policiers sont à l’abri de toute accusation en raison de l’anonymat derrière lequel ils se cachent. Il y a eu des viols pendant toute la durée du transfert: humiliations, insultes et attouchements. Notamment une camarade (…), ils la frappent à plusieurs reprises, l’ont fait se mettre debout face à eux. Au début, le ton de sa voix restait calme. Puis lorsqu’ils la dépouillent de ses vêtements, elle commence à paniquer et se met à crier. Ils lui enlèvent les vêtements du haut, ils lui enlèvent son pantalon. Les policiers l’immobilisent, chacun d’un côté. Elle est désespérée. Ils lui introduisent les doigts dans le vagin, lui font subir des attouchements. Ils déshabillent un détenu et le placent sur sa tête. Ils la relâchent et font mettre d’autres détenus sur elle. Une autre femme crie qu’elle a de l’asthme, qu’elle ne peut pas respirer. J’ai pensé qu’il s’agissait d’elle. D’autres femmes se tiennent les jambes très serrées; ils leur touchent les fesses et les seins à tour de rôle, en essayant aussi de leur écarter les jambes».

Témoignage 11: «Ils nous font passer par le couloir du bus et nous assènent une salve de coups. Ils ferment toutes les fenêtres s’assurant ainsi que rien ne pourraitêtre vu de l’extérieur. Puis ils nous entassent les uns sur les autres,provoquant l’asphyxie des camarades placés dessous. Au-dessus de moi, ils violaient une femme, au-dessous, d’autres étaient sur le point de mourir étouffés…».

(retour)