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Soutien à Mehmet Yesilçali

par | 25 août 2015 | Actualité genevoise


Un réfugié turc menacé d’extradition

MARDI 25 AOûT 2015

SUISSE • L’Allemagne a émis un mandat d’arrêt contre douze membres d’ATIK, accusée d’être liée à un parti communiste interdit en Turquie. Un militant est emprisonné à Berne.

Le 15 avril dernier, l’Allemagne émettait un mandat d’arrêt en vue de l’extradition de douze membres de la Confédération des travailleurs de Turquie en Europe (ATIK), accusée d’être une façade du Parti communiste de Turquie/marxiste léniniste (TKP/ML), interdit en Turquie. L’un d’entre eux est Mehmet Yesilçali, réfugié politique en Suisse. L’Office fédéral de la justice (OFJ) a accepté son extradition. En attendant le traitement de son recours par le Tribunal pénal fédéral, il était incarcéré à la prison centrale de Fribourg. Son état de stress post-traumatique s’aggravant, il a été transféré dans la division cellulaire de l’Inselspital, à Berne. Un comité créé pour sa libération a dénoncé, hier, le soutien allemand à la criminalisation des opposants au régime turc.

L’un de ses avocats, Me Hüsnü Yilmaz, explique: «Mehmet Yesilçali ne fait l’objet d’aucune poursuite pénale en Suisse et il n’existe pas d’enquête judiciaire contre ATIK ici ou en Allemagne.» Il dénonce: «La Turquie sous-traite à l’Allemagne l’intimidation, la répression et la criminalisation de ses opposants en Europe.»

«Des allégations sans preuves concrètes»
Mehmet Yesilçali est d’origine kurde. Engagé pour le respect des droits économiques et sociaux, il a été torturé et emprisonné durant huit ans en Turquie, pour une prétendue appartenance au TKP/ML. Fatigué de la répression constante, il arrive en Suisse en 2007, et obtient le statut de réfugié en 2010. «Ce sont les même éléments qui lui ont valu le statut de réfugié qui lui valent aujourd’hui celui de criminel», remarque Me Yilmaz.

En effet, les autorités allemandes l’accusent d’avoir participé à cinq réunions du comité d’Europe de l’ouest du TKP/ML sur le sol allemand. Il aurait également organisé, en Suisse, des soirées, des conférences publiques ou encore des récoltes d’argent au nom de l’ATIK, qui servirait, toujours selon les autorités allemandes, de prête-nom pour recruter des membres pour le TKP/ML et sa branche armée, le TIKKO. Les autorités allemandes se basent sur un article de leur Code pénal (129b) dont ils se sont dotés peu après le 11 septembre 2001, qui leur permet de poursuivre des forces politiques de pays tiers, même si leurs activités sont légales en Allemagne.

Pour ses avocats, cette nouvelle incarcération est injuste et arbitraire: elle est basée sur des informations fournies par la police politique turque et acquises sous la torture, et n’est faite que d’allégations et d’hypothèses. Me Yilmaz développe: «Toutes ces réunions étaient légales, le TKP-ML ne figure même pas sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne , et le Ministère public a confirmé qu’il n’avait rien à reprocher à Mehmet Yesilçali». «L’ATIK est une association de défense des droits des travailleurs, des chômeurs, des étudiants en Turquie et ici. Nos activités sont légales, démocratiques, transparentes et légitimes. Si l’on tente de nous accuser de terrorisme, c’est que nous soutenons l’opposition démocratique au gouvernement», insiste Zelal Nazli, l’une des représentantes de l’association.

Les avocats de M. Yesilçali dénoncent également son maintien en détention. Pour Me Olivier Peter, «Mehmet Yesilçali souffre de troubles psychiques profonds et ne présente aucun risque de fuite. Rien ne justifie qu’il soit maintenu en détention».

Intimider les opposants
Selon sa défense, Mehmet Yesilçali est victime d’une tentative plus large d’intimider les opposants au régime en place en Turquie. Interrogé par nos soins, Gerald Staberock, secrétaire général de l’Organisation mondiale contre la torture, confirme cette pratique: «Il existe une longue histoire de l’intimidation des défenseurs des droits humains en Turquie. Ils sont assimilés à ceux qu’ils défendent, et, sous prétexte de lois anti-terroristes, ou contre la diffamation de l’Etat, ils sont arrêtés et torturés. Il y a eu des améliorations ces dernières années, mais j’ai bien peur qu’on assiste à un durcissement aujourd’hui.»

Me Yilmaz poursuit: «On s’attaque d’abord à des personnalités qui rassemblent, pour intimider le plus largement possible. Tous ceux qui ont participé à ses réunions deviennent des cibles potentielles des mêmes accusations. Nos libertés d’association, de manifestation, d’opinion sont en danger.»

Manif à Genève
Le comité de soutien à Mehmet Yesilçali a été rejoint par de nombreuses personnalités et organisations, dont Jean Ziegler, membre du Comité consultatif des droits de l’homme des Nations Unies, Luc Recordon, conseiller aux Etats, Carlo Sommaruga, conseiller national, ou encore la Ligue suisse des droits de l’homme. Ils organisent un rassemblement le 2 septembre prochain, à 18 h 30 à Genève (place Neuve).