Les droits de l’Homme
Le sytème de protection des droits de l’Homme est une construction complexe qui est définie par des organisations internationales (ONU, Conseil de l’Europe), nationales et cantonales. Nous vous donnnons ici quelques explications de base qui vous permettront de mieux comprendre son fonctionnement.
Pourquoi les droits de l’Homme
Les droits de l’Homme, dans nos démocraties modernes, sont les garde-fous de la démocratie elle-même et de ses trois piliers que sont l’Etat de droit, la séparation des pouvoirs et l’égalité des droits des individus. Leur normalisation s’est fortement développée depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, notamment en Europe qui fut l’une des régions du globe les plus meurtries, afin que les atrocités qui y ont été commises alors ne se reproduisent pas. Ils sont un rempart contre la barbarie et l’injustice.
Les droits de l’Homme garantissent que les règles démocratiques qui permettent le bien vivre ensemble soient respectées dans un pays. Affaiblir les droits de l’Homme, c’est affaiblir la démocratie et renforcer les risques d’injustices.
Buts des droits de l’Homme
Les droits de l’Homme, système complexe, sont faits pour nous protéger de l’arbitraire, notamment venant de l’Etat. Les principales conventions (DUDH, CEDH,…) ont été élaborées peu après la seconde guerre mondiale, en réaction aux atrocités commises contre les populations civiles durant ce conflit. Elles ont pour objectif de mettre en place des règles juridiques de base qui garantissent que de telles atrocités ne se reproduisent pas. Elles imposent à l’Etat de prendre les dispositions nécessaires à assurer les conditions qui nous permettent de vivre dans la dignité, la liberté et l’égalité et limitent ses pouvoirs. Leur rôle est de nous assurer les droits indispensables à l’exercice de la démocratie. Cela implique aussi de fixer certaines garanties quant au fonctionnement des institutions étatiques d’une démocratie moderne, telles que la séparation des pouvoirs et les principes directeurs d’un Etat de droit. En dehors des libertés fondamentales, elles contiennent aussi des règles essentielles en matière de procédure pénale et d’indépendance de la justice. Les conventions internationales des droits de l’Homme représentent donc un grade-fou protégeant nos démocraties de l’arbitraire et des dérives totalitaires ou autoritaires.
Démocratie et droits de l’Homme sont donc intimement liés, puisque les droits de l’Homme sont les garants que les règles démocratiques qui permettent le bien vivre ensemble sont respectées. Affaiblir les droits de l’Homme, c’est affaiblir la démocratie et renforcer les risques d’injustices.
Que sont les «Droits de l’Homme» ?
Ce sont des droits «universels» que tout être humain peut revendiquer du seul fait d’être un être humain. Ils sont valables partout, en tout temps. Enfin, en principe…
Plus concrètement, il s’agit de textes de droit international, généralement rédigés sous forme de conventions internationales, qui sont destinés à mettre en application sur le territoire des États les valeurs énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme de l’ONU de 1947, cette dernière n’ayant pas de portée juridique contraignante; c’est-à-dire que l’on ne peut l’invoquer devant un tribunal pour demander son application. Elle représente un idéal à atteindre, et n’est donc pas une loi au sens juridique du terme.
Les conventions internationales précisent le cadre que les États doivent mettre en place dans leur législation interne pour garantir le respect de ces valeurs. Mais les États restent libres de signer ces conventions ou non; et d’émettre des réserves lorsqu’ils en signent une.
A qui s’adressent les droits de l’Homme ? (titulaires et destinataires)
L’individu, généralement seul mais parfois au sein d’un groupe, est le titulaire des droits de l’Homme. C’est à dire que les droits de l’Homme s’adressent à lui, qu’il peut se revendiquer de ces droits qu’il possède du simple fait d’être un être humain et les faire valoir juridiquement lorsqu’ils sont violés. Ils s’appliquent à toutes et tous, sans exception.
L’État, quant à lui, est le destinataire des droits de l’Homme. On entend par là, que c’est lui qui a l’obligation de s’assurer que ces derniers sont respectés sur son territoire ou, le cas échéant, de les rétablir lorsqu’ils sont violés. C’est une notion importante à comprendre lorsqu’on parle de droits de l’Homme: il s’agit d’un rapport entre l’individu (ou un groupe d’individus) et l’Etat. Ils introduisent des obligations (d’agir ou de s’abstenir d’agir) de la part de l’Etat et non entre individus.
La Déclaration universelle des droits de l’Homme (1947)
Où trouve-t-on les droits de l’Homme ?
Les instruments et les systèmes modernes de protection des droits de l’Homme sont présents aux niveaux universel (mondial), régional (européen), national (suisse) et local (cantonal). Les plus connues en Europe, sont la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1947 et la Convention européenne des droits de l’Homme de 1950.
Au niveau international, les Etats sont libres de signer une convention ou non, bien que certaines organisation internationales imposent aux pays souhaitant y adhérer la ratification de certaines conventions. La ratification de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) est par exemple imposée aux pays souhaitant rejoindre le Conseil de l’Europe. En signant une convention, les pays s’engagent à effectuer les modifications de leur droit interne nécessaires à mettre en pratique sur leur territoire les droits énoncés dans la convention.
Certains pays dits « monistes », comme la Suisse, reconnaissent une applicabilité directe des conventions internationales dans leur droit interne. C’est à dire que l’on peut invoquer directement auprès des tribunaux du pays un droit énoncé dans un traité international ratifié par le pays en question. A certaines conditions toutefois. Le droit que l’on veut invoquer doit être « directement applicable » ou self-executing. En d’autres termes:
- La signature de la convention doit exprimer la volonté des Etats signataires de créer directement des droits pour les particuliers dans leur droit interne,
- Le droit en question doit être « suffisamment précis, dans son objet et dans sa forme, pour être directement applicable dans l’ordre interne sans mesures complémentaires d’exécution » (Sudre, 2006).
Seuls deux instruments sont considérés comme directement applicables dans leur globalité: la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
Certaines conventions internationales permettent aux particuliers et/ou aux organismes de la société civile de recourir auprès d’un organes de contrôle de la convention. pour faire valoir leur droits lorsqu’ils sont violés. C’est le cas par exemple de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui vous permet de porter plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme de Strasbourg si les droits qui y sont inscrits n’ont pas été reconnus par les tribunaux suisse.
Au niveau européen, les conventions sont élaborés sous l’égide du Conseil de l’Europe qui regroupe 47 Etats membres, dont la Suisse (organisme à ne pas confondre avec l’Union européenne qui regroupe 27 pays et dont la Suisse n’est pas membre). La Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) et son organe de contrôle, la Cour européenne des droits de l’Homme de Strasbourg, sont rattachés au Conseil de l’Europe qui a développé un dense système de protection des droits de l’Homme depuis 1950. La liste complète des conventions européennes est disponible sur le site du Conseil de l’Europe. La Cour européenne des droits de l’Homme de Strasbourg, dont les arrêts sont directement applicables en Suisse, a produit une riche jurisprudence que vous trouverez sur son site, dans sa base de données HUDOC. L’accès est gratuit et sa consultation est passionnante!
Au niveau suisse, la Constitution fédérale (Cst), qui y consacre toute sa première partie (art. 7 à 41), est le texte de référence en matière de droits de l’Homme. Elle-même soumise au droit international (art. 5 Cst, al.4), elle est notre loi fondamentale à laquelle l’ensemble du droit suisse (national, cantonal et communal) est soumis (art. 49 Cst: Le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire.). Elle a été entièrement révisée en 1999. Chaque canton ensuite a sa propre Constitution qui peut élargir encore les libertés fondamentales en fonction des sensibilités locales. La Constitution vaudoise a été entièrement révisé en 2003.
La subsidiarité
On aborde ici un des éléments centraux du droit international: le principe de la subsidiarité. Selon ce dernier, un recours n’est accepté par une instance internationale que si toutes les voies juridiques internes ont été épuisées. C’est à dire qu’il faut avoir essayé tous les recours possibles auprès des tribunaux suisses pour faire valoir ses droits et que ces tentatives n’aient pas abouti. Alors seulement, on peut déposer une plainte auprès d’une instance internationale.
De plus, certains organes de contrôle n’acceptent de recours que s’il n’y a pas d’autre recours intenté auprès d’autres organes pour la même affaire. La Cour européenne des droits de l’Homme de Strasbourg par exemple n’entre pas en matière sur une plainte si un organe de l’ONU traite déjà la même affaire.
Les grandes catégories des droits de l’Homme
Les droits de l’Homme se répartissent en deux grands ensembles: d’un côté, les droits de l’individu avec les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels. De l’autre, des droits collectifs qui s’adressent à des collectivités humaines, en tant que groupe constitué.
Droits de l’individu
Les droits civils et politiques (aussi appelés droits de première génération) sont généralement directement applicables en Suisse et peuvent être invoqués devant les tribunaux helvétiques. Il s’agit de droits individuels qui relèvent de la dimension politique de la démocratie, tels que le droit à la vie ou à une justice impartiale et indépendante, l’interdiction de la torture, de l’esclavage et de la discrimination, la liberté de conscience, d’expression et d’association.
Les droits économiques, sociaux et culturels (ou droits de seconde génération) visent la démocratie économique et concernent des droits tels que celui au travail, à la sécurité sociale, au logement ou à la santé par exemple. Ils ont surtout une dimension programmatoire, c’est à dire qu’ils représentent des objectifs à atteindre. Les Etats les signant s’engagent à faire leur possible selon leurs ressources pour les inscrire dans leur droit interne et les rendre effectifs sur leur territoire, mais ces droits ne représentent pas une obligation juridique que l’on peut faire valoir directement en justice.
Les droits de solidarité, troisième génération de droits de l’Homme qui commence à faire son chemin dans les esprits depuis les années 1980, s’articulent autour de questions telles que l’environnement, le droit à la paix ou la bioéthique.
Droits collectifs
On distingue encore les droits collectifs qui regroupent des droits dont certaines communautés humaines, en tant que groupe, peuvent se prévaloir, comme par exemple:
- l’interdiction et la répression du génocide et de l’apartheid;
- le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes;
- le droit des peuples autochtones;
- le droit des minorités;
- le droit des peuples au développement;
- le droit des peuples à un environnement satisfaisant et global.
Les réserves et les limitations
Qu’ils soient civils et politiques ou économiques, sociaux et culturels, ces droits sont presque tous sujets à des restrictions ou à des limitations. Lorsqu’ils signent une convention, les Etats peuvent en principe émettre des réserves quant à l’application de tel ou tel article qui peut poser problème dans leur application en droit interne.
De plus, il est possible pour les Etats de déroger à l’application des droits de l’Homme sous certaines circonstances, comme par exemple lors de l’instauration de l’état l’urgence, de danger grave pour la sûreté de l’Etat, de guerre ou lorsqu’un « danger public exceptionnel menace l’existence de la nation » (art. 4 PIDCP). Ceci, à trois conditions:
- les limitations doivent être préalablement prévues par le droit interne;
- elles doivent poursuivre un but légitime et
- elles doivent être nécessaires dans une société démocratique.
Des libertés fondamentales importantes peuvent être touchées par de telles limitations, par exemple:
- Le respect de la vie privée, familiale, du domicile et de la correspondance;
- la libre expression de sa religion et de ses convictions;
- l’exercice de la liberté de réunion, de circuler librement ou de la liberté syndicale;
Le noyau dur (ou jus cogens)
Certain droits ne peuvent cependant être limités, ni affaiblis, quelles que soient les circonstances, même en temps de guerre. ils sont impératifs en tout lieu et en tout temps. Il s’agit:
- du droit à la vie;
- de l’interdiction de la torture;
- de l’interdiction de l’esclavage;
- de l’interdiction de la rétroactivité d’une loi pénale.
Pour l’heure, en Suisse, seuls ces droits peuvent faire invalider une initiative populaire, ou tout autre projet de modification de la Constitution fédérale. C’est ici une des principales lacunes dans la protection des droits de l’Homme en Suisse.
Le droit humanitaire: un droit particulier
Le droit humanitaire: un droit dont on entend beaucoup parler en Suisse, puisque notre pays est dépositaire des Conventions de Genève. Les conventions internationales relatives aux droits de l’Homme ne sont applicables qu’en temps de paix. Les Conventions de Genève reprennent donc le relais en cas de conflit armé, ce qui fait du droit humanitaire, le droit de la guerre, un cas un peu à part où les standards minimaux sont nettement revus à la baisse.
Ces conventions offrent cependant une protection minimale en matière de droits de l’Homme à certaines catégories de personnes qui ne prennent pas, ou ne peuvent plus prendre, part aux combats. Ainsi, les populations civiles, de même que les blessés et les prisonniers de guerre, doivent « en toutes circonstances, [être] traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue » (art.3 commun aux quatre conventions de Genève). Le jus cogens dont il est question ci-dessus reste applicable et est repris dans les Conventions de Genève.
Il existe quatre Conventions de Genève, complétées de trois protocoles additionnels:
- La première Convention de Genève protège les soldats blessés ou malades sur terre en temps de guerre (1949),
- La deuxième Convention de Genève protège les militaires blessés, malades ou naufragés en mer en temps de guerre (1949),
- La troisième Convention de Genève s’applique aux prisonniers de guerre (1949),
- La quatrième Convention de Genève assure la protection des civils, notamment en territoire occupé (1949).
- Protocole additionnel I – conflits armés internationaux (1977)
- Protocole additionnel II – conflits armés non internationaux (1977)
- Protocole additionnel III – signe distinctif additionnel « cristal rouge » (2005)
- Informations complémentaires sur les Conventions de Genève
- Informations complémentaires sur les protocoles I et II