Selon certains échos qui nous sont parvenus, plusieurs personnes qui n’avaient rien à se reprocher auraient déjà été sauvagement rouées de coups et envoyées à l’hôpital par la police, dans des états parfois critiques ; la presse s’en est fait le reflet. Pour d’autres, des agents leur auraient volontairement lâché les chiens dessus lors d’interpellation, alors qu’ils étaient apparemment à terre et n’offraient aucune résistance.
Tandis que les structures d’accueil de l’ouest lausannois affichent complet, des personnes sans domiciles, dont le seul crime est d’être pauvres et de ne pouvoir se loger, se feraient sadiquement harceler la nuit par les forces de l’ordre pour qu’elles ne puissent pas dormir durablement, les forçant à se déplacer continuellement.
A en croire la presse, des policiers se permettraient d’annoter des passeports lors de contrôles – ce qui rappellerait certains tampons de sinistre mémoire-, de détruire les effets personnels des personnes contrôlées, de rendre inutilisables leurs cartes de crédit à coup de cutter ou de simplement les déposséder de leur argent.
Régulièrement, des personnes se feraient humilier lors de contrôles au faciès, en pleine rue ou conduites par les agents dans quelque recoins sombres à l’abri des regards.
D’autres encore sont morts en détention dans les locaux de la police, faute de soins refusés, ou en raison d’utilisation disproportionnée de la force. Là aussi la presse s’en est faite l’écho.
Tout ceci impunément. Sans réaction des autorités politiques qui se contentent de défendre leurs ouailles à grands coups de langue de bois. Jusqu’où dans les hiérarchies remontent les responsabilités ? Qui donne les ordres et quels ordres ? on ne peut se contenter de communiqués de presse unilatéraux et de phrases standardisées comme réponse.
Les expériences que nous recevons du terrain témoignent de la grande difficulté qu’il y a à obtenir des enquêtes indépendantes et rapides. Par exemple, l’instruction des plaintes déposées contre des agents de police sont menées par un Ministère public qui travaille régulièrement avec ces mêmes forces de police. Au demeurant, les forces de police ont pour habitude de déposer des contre-plaintes dès qu’un justiciable se permet de saisir la justice pénale.
La Ligue suisse des droits de l’Homme appelle donc les responsables politiques, administratifs et judiciaires à assumer leurs responsabilités et à clairement rappeler dans leurs actes et leurs décisions que dans une démocratie, la société ne tolère pas de tels agissements au sein de ses forces de police. Qu’en cas de violences à caractère raciste ou d’usage disproportionné de la force, les responsables doivent être traduits en justice et exclus des forces de l’ordre si de tels actes criminels venaient à être confirmés.
Aussi, nous demandons que des enquêtes indépendantes et impartiales soient menées lorsque les forces de polices sont dénoncées pour des actes qui pourraient tomber sous le coup du droit pénal, comme ceux à caractère racistes. Rappelons que la norme pénale antiraciste actuelle, avec les difficultés d’application qu’elle comporte, prévoit des peines privatives de liberté allant jusqu’à trois ans de prison.
Soutenant les recommandations qui semblent enfin entendues[1] d’Amnesty International[2] (2007), du Centre suisse de compétences pour les droits humains[3], du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT)[4] et du Comité contre la torture[5] de l’ONU (2005), la Ligue suisse des droits de l’Homme exhorte les autorités cantonales, d’une part à créer au plus vite un ministère public cantonal ou intercantonal spécial pour enquêter de manière indépendante sur toute allégation d’agissement criminel par des agents de police ; et d’autre part, à instituer une commission d’experts qui observe comment et dans quelle mesure la police respecte les normes internationales en matière de droits humains et les codes de déontologie, y compris durant leur formation.
Afin de concrétiser les engagements de la Suisse envers la communauté internationale[6], la Ligue suisse des droits de l’Homme compte prochainement intervenir auprès des autorités cantonales afin qu’elles réalisent enfin ces recommandations et cessent d’être les complices complaisantes de pratiques criminelles parfois meurtrières.
Yan Giroud
Président
Ligue suisse des droits de l’Homme
Section vaudoise
[1] https://www.rts.ch/info/suisse/9412574-la-suisse-va-instaurer-un-mecanisme-de-plainte-lie-aux-violences-policieres.html
[2] https://www.amnesty.ch/fr/pays/europe-asie-centrale/suisse/violence-policiere/police/Resume_rapport_police_def.pdf
[3] http://www.skmr.ch/cms/upload/pdf/150324_Etude_CSDH_Police_plainte.pdf
[4] Cité in ci-dessus.
[5] https://www.un.org/press/fr/2005/DH4844.doc.htm
[6] https://www.rts.ch/info/suisse/9412574-la-suisse-va-instaurer-un-mecanisme-de-plainte-lie-aux-violences-policieres.html